lundi 26 mai 2025

Saint Bérenger de Saint-Pacoul : moine bénédictin, thaumaturge et saint pyrénéen

 Saint Bérenger de Saint-Pacoul : moine bénédictin, thaumaturge et saint pyrénéen

Note Introductive : Ce modeste article consacré à Saint Bérenger, moine bénédictin du XIe siècle vénéré à Saint-Pé-de-Bigorre. J'ai procédé d’une démarche habituelle par rapport aux anciens articles que j'ai rédigé sur tous nos Saints et Saintes Chrétiennes : rendre vie, avec fidélité et ferveur, à la figure d’un saint dont la mémoire, enracinée dans la tradition monastique et paysanne, subsiste plus dans les cœurs et les pierres que dans les livres savants. Les sources historiques directes étant rares, hormis quelques mentions liturgiques et hagiographiques fragmentaires, ce travail repose sur une reconstruction respectueuse du contexte, éclairée par les usages bénédictins, les mœurs spirituelles du XIe siècle, et les coutumes des moines pyrénéens.

Le récit que j'ai fait a été écrit avec la Règle de saint Benoît, des témoignages de la vie monastique clunisienne (de Cluny), et d’éléments de tradition orale et populaire, transmis au fil des siècles dans la région. Le style se veut lyrique mais enraciné, ciselé avec amour pour rendre justice à la sainteté ordinaire, à ces âmes simples et silencieuses dont le nom s'efface, mais dont la lumière demeure.

Il ne s’agit donc pas d’un exercice purement historique, mais d’un travail d’hagiographie vivante, à la manière des anciens moines qui composaient les légendiers non pour instruire froidement, mais pour édifier, émouvoir, et surtout remémorer la Mémoire.


🕯️1. Un moine dans la lumière de Cluny : de la discrétion à la sainteté

Saint Bérenger naquit vers l’an 1000, à une époque charnière où le monde féodal se stabilisait peu à peu après les siècles d’invasions, et où l’Église, portée par le souffle réformateur de Cluny, connaissait un profond renouveau spirituel. Si les sources anciennes ne nous ont pas conservé les détails de son lieu exact de naissance, il semble être originaire de Neustrie, région correspondant approximativement à l’ouest de la France actuelle, ou plutôt vers Toulouse, un pays de bocages et de prieurés, où la piété populaire se mêlait encore aux anciennes traditions paysannes.

Très jeune, Bérenger ressentit l’appel de Dieu. Il entra comme oblat (c’est-à-dire enfant confié à Dieu) au monastère bénédictin de Saint-Porchaire de L’Isle-Jourdain, une abbaye modeste mais fervente. Là, il fut formé selon la règle bénédictine, centrée sur le triptyque ora et labora et lege : la prière liturgique, le travail manuel et l’étude des Écritures. Dès cette période, ses compagnons remarquèrent en lui une douceur d’âme, une absence totale de vanité, une volonté de se tenir toujours dans l’ombre.

Son attrait pour la vie cachée, pour l’humilité et le silence, attira l’attention de ses supérieurs. Ils l’envoyèrent à l’abbaye plus prestigieuse de Baume-les-Messieurs, en Bourgogne, alors l’un des grands foyers spirituels du royaume. C’est dans ce monastère, situé dans une reculée rocheuse, que Bérenger se lia aux idéaux clunisiens : une vie monastique plus stricte, un attachement profond à la liturgie chantée, une discipline collective marquée par la régularité, l’obéissance et la recherche de la beauté liturgique comme image de la gloire céleste.

Mais Bérenger, loin de rechercher l’ascension dans les rangs de la hiérarchie abbatiale, aspirait à un plus grand effacement encore. C’est ainsi qu’il accepta d’être envoyé au monastère de Saint-Pé-de-Bigorre, dans le diocèse de Tarbes, au pied des Pyrénées. Ce choix n’était pas anodin : ce lieu, bien que retiré, était une ancienne abbaye carolingienne en voie de restauration spirituelle. Il y trouva ce qu’il avait toujours cherché : un lieu de service humble, à l’écart du tumulte, où la prière, le silence, le travail des mains et la charité fraternelle rythmaient les jours.

Là, Bérenger se donna tout entier. Il lavait les pieds des pauvres, pansait les plaies des pèlerins, creusait la terre avec les frères, chantait les psaumes avec ferveur, et se nourrissait avec frugalité. Il dormait peu, parlait peu, mais rayonnait d’une bonté contagieuse. Les novices l’approchaient pour obtenir conseils et réconfort ; les anciens admiraient sa constance. Il était, pour reprendre l’expression d’un moine chroniqueur, « comme une lampe sans flamme visible, mais qui éclaire tout le dortoir ».

Son attachement au Christ se manifesta surtout dans sa patience envers les fautes d’autrui, sa compassion pour les faibles, et sa fidélité absolue aux petits devoirs quotidiens. Il ne prêchait pas, n’écrivait pas, ne gouvernait pas : mais il édifiait, sans un mot, par la sainteté silencieuse de sa présence. Il incarnait à merveille cette maxime bénédictine : « Que l'on cherche Dieu avant tout ».

Ce fut à Saint-Pé-de-Bigorre et à Saint-Pacoul que sa sainteté éclata véritablement aux yeux de ses contemporains : certains frères disaient le voir prier en lévitation, d’autres racontaient que ses mains dégageaient un doux parfum après avoir touché les malades. Mais lui, toujours humble, ne s’attribuait rien, et détournait ces louanges avec un sourire timide.

Sa vie fut raconté notamment par Saint Anselme.

Saint Bérenger de St Papoul


🙏 2. Une spiritualité enracinée dans l’humilité et la charité : le secret lumineux de Saint Bérenger

S’il est un trait qui caractérise profondément la spiritualité de Saint Bérenger, c’est l’alliance indissociable de la petitesse assumée et de l’amour débordant. Il fut, toute sa vie, un moine « de la dernière stalle », ce siège discret où l’on prie à voix basse et où l’on s’oublie soi-même pour mieux écouter Dieu.

Le monde monastique du XIe siècle connaissait alors un renouveau puissant sous l’impulsion de Cluny et des grandes réformes spirituelles. Il s’agissait de remettre le Christ au centre de la vie religieuse, non par de grandes œuvres extérieures, mais par une conversion intérieure profonde, par une fidélité quotidienne aux petits actes d’amour. C’est dans ce cadre que Bérenger développa une spiritualité simple, rustique peut-être, mais d’une intensité fulgurante.

Il ne cherchait ni l’ascèse spectaculaire ni l’extase mystique, mais une union intime avec Dieu dans la régularité et la discrétion. Il voyait en toute chose un moyen de sanctification : balayer le cloître, porter une cruche d’eau pour les frères, verser une coupe d’eau vive dans les mains du Christ ; lire un psaume à l’office nocturne, c’était prêter sa voix aux anges eux-mêmes. Il avait cette perception sacramentelle du quotidien, propre aux âmes réellement enracinées dans la tradition bénédictine.

Son humilité n’était pas affectée ; elle était chevillée à son être. Il ne se considérait jamais comme un « saint », mais comme un pauvre moine qui faisait ce qu’il devait. Il disait souvent, d’après les quelques souvenirs transmis :
« Le Seigneur ne me demandera pas combien j’ai prêché, mais combien j’ai servi. »

C’est dans le service qu’il puisait sa joie. Il visitait les malades du village alentour, en particulier les lépreux, auxquels il parlait avec tendresse. Il offrait à ces souffrants non seulement les soins du corps mais aussi les soins de l’âme, les écoutant longuement, priant pour eux, les confiant à la Vierge Marie.

Le Christ, dans sa passion et son dépouillement, était le centre de sa contemplation. Il aimait se recueillir devant le crucifix de bois pendu dans le petit oratoire du monastère de Saint-Pé-de-Bigorre, et passait parfois de longues heures prosterné à terre, les bras en croix. Il se nourrissait de l’Écriture sainte, mais aussi du silence, qu’il chérissait comme un trésor. « Le silence est le manteau de Dieu », disait-il.

À ses frères, il recommandait toujours la charité mutuelle. Quand des tensions surgissaient, car même au monastère, les tempéraments se heurtent parfois, il s’interposait sans bruit, par un acte de générosité. Il avait le don de faire taire les rancunes par sa simple présence. Il ne donnait pas de leçons, il donnait l’exemple.

Bérenger avait aussi un lien très particulier avec la Vierge Marie. Il récitait chaque jour son Ave Maria avec une ferveur presque enfantine. On rapporte qu’il se rendait souvent seul, la nuit, dans une petite chapelle mariale aux abords du monastère, pour y confier les âmes en souffrance et les frères éprouvés. Il appelait Marie sa « Dame des Douleurs et des Joies », et il vivait sa foi mariale comme une extension de son amour du Christ : douce, tendre, pleine de respect et d’abandon.

Ce qui frappe, chez lui, c’est cette sorte de sainteté silencieuse, sans miracle éclatant, sans vision grandiose, mais d’une densité intérieure telle qu’elle imprégnait les pierres mêmes du cloître. C’est une sainteté bénédictine au sens le plus pur : patiente, enracinée, cachée au monde mais lumineuse aux yeux de Dieu.

Et quand, parfois, on louait sa vertu, il répondait :
« Si je suis bon, c’est que Dieu m’a retiré de moi-même. »

Sa spiritualité était donc toute christique, toute mariale, toute fraternelle, toute laborieuse. Elle peut sembler modeste à première vue, mais elle contient l’éclat discret des plus grandes flammes, celles qui brûlent sans vaciller, dans les recoins du sanctuaire, là où le monde ne regarde pas.


Saint Bérenger
🌿 3. Une personnalité douce, fidèle et lumineuse : le cœur de Saint Bérenger

S’il est difficile de reconstituer précisément les contours de la personnalité de Saint Bérenger, tant les sources sont rares, les échos de sa sainteté, conservés dans la mémoire monastique et populaire du Béarn, laissent entrevoir une figure d’une rare douceur, empreinte de simplicité et de fidélité.

Il n’était pas un homme à haranguer les foules, ni à fasciner par un charisme naturel ou une intelligence supérieure. Mais il imposait le respect par sa présence paisible, son regard droit et bienveillant, et surtout par cette lumière intérieure que l’on devine chez certains saints comme un reflet du Ciel déjà installé dans l’âme.

Les frères de l’abbaye bénédictine de Saint-Pé-de-Bigorre, où il vécut, le décrivaient comme un moine silencieux, mais jamais renfermé. Il ne parlait que peu, mais chaque mot sortant de sa bouche avait le poids de la prière. Quand il s’exprimait, c’était avec lenteur, comme s’il craignait de blesser la vérité ou de troubler la paix. Il savait consoler les cœurs lourds sans phrases grandiloquentes : une main posée sur l’épaule, une parole d’Évangile doucement offerte, une prière murmurée valaient plus, de lui, qu’un long sermon.

Son humilité transparaissait dans chacun de ses gestes. Il s’acquittait des tâches les plus basses avec joie, heureux de servir ses frères. Il s’occupait des bêtes, du potager, du balayage du cloître. Mais on le voyait aussi souvent, sans qu’on le lui demande, veiller les malades, accompagner les novices, réparer une sandale usée ou porter du bois pour la cuisine. Il n’agissait jamais par souci d’être vu, mais par amour profond, presque viscéral, du service.

Un frère novice, selon une tradition orale ancienne, aurait un jour tenté de le flatter, disant : « Frère Bérenger, vous êtes un saint vivant. » Et le moine, sans se troubler, aurait répondu avec un sourire désarmant : « Que Dieu te pardonne ce mensonge, et qu’Il me pardonne de l’avoir aimé. » Ce trait d’esprit, discret mais vif, laisse deviner une âme pleine de finesse et de recul sur elle-même, un humour léger, à la manière des vrais saints.

On rapporte aussi qu’il était particulièrement sensible à la beauté de la nature. Il aimait prier tôt le matin, à l’extérieur, lorsque la brume flottait encore sur la montagne béarnaise et que les premières lueurs du jour faisaient chanter les pierres du monastère. Il disait que dans la simplicité d’un lever de soleil, on pouvait apprendre plus sur Dieu qu’en mille traités.

Bérenger était aussi un homme d’une fidélité indéfectible : à sa règle, à sa communauté, à ses engagements, à Dieu. Rien de spectaculaire dans sa conduite, mais une constance exemplaire. Même lorsqu’il était malade ou fatigué, il se levait pour l’office de nuit, s’agenouillait, priait avec ferveur. Il ne cherchait pas la pénitence excessive, mais il s’imposait à lui-même un rythme strict, fidèle à la règle de saint Benoît, dans l’esprit de stabilité et d’obéissance.

Enfin, son regard. Les rares témoignages le décrivent comme pénétrant mais doux, grave mais apaisant. Certains paysans de la région disaient que lorsqu’il priait pour eux, il posait sur eux un regard qui leur redonnait la paix. Ce regard, peut-être, était le reflet de cette lumière intérieure que l’on appelle sainteté.

Saint Bérenger, dans sa personnalité, incarne donc la sainteté sans éclat mondain, la vertu sans éclat extérieur, la grandeur sans bruit. Il fut un roc paisible dans son monastère, une lampe douce dans les ténèbres de ce monde, un homme dont le cœur battait au rythme de la prière, du travail et de l’amour fraternel.


Intérieur de l'Abbaye de Saint Pacoul



⛪ 5. La canonisation et les miracles posthumes de Saint Bérenger : le culte d’un humble magnifié par le Ciel

La gloire des saints ne s’éteint point avec leur dernier souffle. Pour certains, elle éclate au moment même de leur trépas, dans une lumière soudaine qui transperce les siècles. Tel fut le cas de Saint Bérenger, humble moine bénédictin, dont la sainteté discrète devint éclatante après sa mort.

Bérenger s’endormit dans le Seigneur aux alentours de l’an 1093, au monastère de Saint-Pé-de-Génerès, niché dans les montagnes du Béarn. Sa mort fut paisible, comme sa vie, mais aussitôt entourée d’un parfum de sainteté : son corps, disent les chroniques anciennes, exhalait une douce odeur, et une paix inexplicable descendit sur le monastère. Les moines furent les premiers à comprendre que l’un des leurs, ce frère si humble, si peu remarquable en apparence, avait été grand aux yeux de Dieu.

Très vite, des paysans du voisinage commencèrent à venir prier sur sa tombe, creusée à même le sol de l’église abbatiale. Et bientôt, les récits de miracles commencèrent à se répandre comme une traînée de feu dans la vallée.

On parlait de guérisons soudaines : des fiévreux rendus à la vie, des aveugles retrouvant la vue, des enfants malades se redressant dans le lit comme si une main invisible les avait touchés. Un paralytique aurait été guéri en passant une nuit en prière près de la tombe du saint. Une femme stérile aurait conçu un enfant après avoir bu de l’eau bénite sur laquelle on avait invoqué son nom. Les témoignages se multipliaient, notés par les moines dans leurs annales, tandis que la foule de pèlerins s’accroissait chaque année.

Devant l’évidence populaire, l’Église dut se pencher sur cette dévotion grandissante. C’est l’évêque de Lescar, dont dépendait le monastère, qui ouvrit une enquête. Il fit interroger les témoins des miracles, interrogea les moines sur la vie de Bérenger, et visita lui-même la tombe. Convaincu de la réalité des faits, il entama un processus de canonisation locale, selon l’usage du temps, bien avant les procès formels centralisés à Rome.

C’est donc en 1163 que l’Église locale, avec l’approbation de l’archevêque d’Auch, reconnut officiellement la sainteté de Bérenger. Son nom fut inscrit au martyrologe, et son culte autorisé dans le diocèse. Son corps fut alors exhumé en grande pompe : on le trouva incorrompu, selon la tradition, ce qui fut interprété comme un sceau divin. Il fut déposé dans une châsse de bois orné d’argent, placée au cœur de l’abbatiale, et bientôt entourée de lampes votives et de fleurs déposées par les fidèles.

Les miracles ne cessèrent pas pour autant. Ils se poursuivirent pendant des décennies, voire des siècles. Le sanctuaire devint un lieu de pèlerinage régional important, notamment lors des fêtes de la Saint-Bérenger, célébrées avec ferveur. On venait de tout le Béarn, des Hautes-Pyrénées et même de la Gascogne voisine.

Le culte du saint fut confirmé par Rome, bien plus tard, au XIVe siècle, mais sa canonisation reste aujourd’hui considérée comme une canonisation pré-congrégation, c’est-à-dire antérieure à la formalisation des procès romains institués sous Urbain VIII. Son culte, cependant, ne faiblit pas. Le diocèse de Tarbes et Lourdes célèbre encore sa fête le 26 mai.

Aujourd’hui encore, à Saint-Pé-de-Bigorre, l’on peut voir la châsse où reposaient autrefois ses reliques, et dans l’église paroissiale, une statue du saint en habit monastique rappelle sa mémoire. Les anciens de la région racontent encore, à la veillée, que Saint Bérenger veille sur les terres, qu’il protège les moissons et qu’il écarte les orages s’ils lui sont confiés avec foi.

Ainsi fut glorifié, dans l’ombre des montagnes, un moine oublié des hommes mais non de Dieu. Et la voix du peuple, unie à celle de l’Église, fit de lui un intercesseur, un protecteur, un saint.

Abbaye de Saint Pacoul, que Saint Bérenger a faite construire en partie


Sources principales : 

- L'année Bénédictine ou les vies des saints de l'ordre de Saint Benoist ; de Mère Marie-Jacqueline Bouëtte de Blémur (1668)
- Vie des Saints - Volume 5, de François Giry (1865)
- Vie des Saints des confesseurs de la foi et des hommes illustres dans l'Église par leurs œuvres et la sainteté de leur vie ; de François Giry (1877)
- Les petits bollandistes : Vie des Saints de l'Ancien et du Nouveau Testament ; de François Giry (1888) Page 205
- Mélanges concernant l'évêché de St. Papoul ; d'Hyppolite Amédée Hennet de Bernoville (1863) Pages 131 et 132
- Notices sur les manuscrits de Bernard Gui ; de Léopold Delisle (1879) Pages 295
- La Porte Latine
- France Catholique


jeudi 8 mai 2025

Voltaire, le héros de la ripoublique

L'obscurantisme de Voltaire (Partie 1)

François Marie Arouet, dit Voltaire


Introduction : Le miroir brisé des Lumières

Il est des noms que l’Histoire, sous la plume des vainqueurs, a sanctifiés au point de les arracher au jugement commun. Parmi eux, celui de Voltaire brille, tel un soleil artificiel, tel le messie sur les autels de la modernité. Apôtre autoproclamé de la tolérance, prétendu martyr de la liberté d’expression, philosophe que l’on oppose sans cesse aux ténèbres d’un Ancien Régime caricaturé, François-Marie Arouet, dit Voltaire, trône encore aujourd’hui au Panthéon des consciences éclairées depuis la Révolution Française. Son verbe railleur, ses pamphlets incisifs, ses correspondances savamment entretenues avec les puissants de ce monde lui ont valu l’admiration béate des générations post-révolutionnaires. Il est devenu un emblème, un totem que la République honore, un mythe enseigné sans nuance.

Mais tout mythe dissimule une part d’ombre, surtout quand on parle d'un mythe de la République Française, et derrière le masque doré du philosophe des Lumières se cache un homme autrement plus complexe, souvent sordide, parfois cruel, toujours ambitieux et avide d'argent. Un homme dont l’amour de la vérité s’arrêtait là où commençaient ses intérêts personnels, et c'est aussi un homme qui n’hésita pas à faire taire ses opposants, à dénoncer ses rivaux, à flatter les puissants et à persécuter les faibles, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Un homme qui méprisait profondément le peuple qu’il prétendait éclairer au nom de la "raison", qu’il appelait avec dédain la populace, et dont il souhaitait l’abrutissement au nom de la stabilité sociale (et pour servir ses intérêts). Un homme qui, tout en se présentant comme l’ennemi de l’intolérance, défendit parfois l’esclavage, insultait les "races" non-européennes, le peuple français dit "Welsh" par Voltaire, et rejetait les fondements même de la dignité humaine quand ils ne servaient pas sa cause.

Il est temps de briser le miroir des Lumières pour en contempler leur obscurantisme. Il est temps de rendre à Voltaire non l’infamie, car nous ne cherchons pas à montrer une haine quelconque à ce personnage historique, mais la vérité celle de ses actes, de ses propos, et de ses silences. Cet article n’a pas pour but de diffamer, mais de rétablir un équilibre rompu par deux siècles d’hagiographie tronquée. À travers ses persécutions contre La Beaumelle, Fréron ou Desfontaines, ses propos ignobles sur les Noirs et les Juifs, son hypocrisie servile devant les cours royales, et sa volonté d’écraser les classes populaires, nous verrons combien l’idole des Lumières et des révolutionnaires s’est forgée dans l’ombre des passions humaines : celles de la gloire, du pouvoir, du libertinage et de l’argent.

Cet article sur Voltaire est le premier épisode de sa vie tumultueuse et suspecte. Nous ferons un article numéro 2 sur Voltaire et son obscurantisme, car il y a énormément de choses à dévoiler que la République Française n'ose pas nous dire sur ce qu'il a fait et ses vraies idées philosophiques et politiques. 
Nous ferons également des articles sur les autres idoles de la République comme Jean-Jacques Rousseau, Denis Diderot, D'Alembert etc.

Voici donc, non l’image apprêtée que l’on grave sur les manuels d’histoire, mais le vrai visage de Voltaire. 
Dans cet article, nous présenterons dans un premier temps les affaires de Voltaire et la soit disant liberté d'expression qu'aurait défendu ce prétendu philosophe. Ensuite nous vous montrerons dans un deuxième grand point que Voltaire, présenté comme le défenseur du petit peuple opprimé par la méchante Monarchie et de la méchante Église Catholique, est enfaite un grand donneur de leçons et qu'il a un mépris profond pour le peuple français et de toutes les petites gens. Nous finirons cet article par ses actes et propos assez anti humanistes et contradictoire avec l'image d'un grand Homme contre l'esclavage, le racisme etc.



I.1 L'affaire Desfontaines, persécuter un critique au nom du prestige

Si Voltaire avait réellement été l’ardent défenseur de la liberté d’expression que l’on présente aujourd’hui, il aurait dû être le premier à tolérer la critique, surtout lorsqu’elle émanait du champ littéraire, qu’il disait vouloir élever au rang de tribune libre.

Pierre Desfontaines, jésuite défroqué devenu journaliste, critique littéraire et traducteur, osa un jour critiquer les vers de Voltaire dans ses feuilles en 1738. Voltaire, ulcéré, n’oublia jamais cette offense. Loin de répondre par l’argument, il monta une véritable campagne de diffamation contre lui, allant jusqu’à exhumer une vieille affaire judiciaire : en 1724, Desfontaines avait été brièvement emprisonné pour homosexualité, à la suite d’une plainte vague et obscure.

Voltaire, avec un acharnement glaçant, fit republier anonymement un pamphlet intitulé Le Préservatif en 1738, dans lequel il rappelait publiquement cette affaire, en y ajoutant mensonges, calomnies et insinuations infamantes, visant à ruiner durablement la réputation de son adversaire. Le texte fut largement diffusé. Il ne s’agissait pas de répondre à une critique littéraire, mais de détruire un homme, en salissant son honneur et en réveillant le préjugé contre l’homosexualité.

Plus encore, lorsque Desfontaines répondit en 1738 avec un pamphlet intitulé La Voltairomanie, Voltaire riposta avec rage. Il chercha à empêcher sa diffusion, fit pression sur les imprimeurs, et envoya des lettres aux autorités pour dénoncer son adversaire comme dangereux. Plusieurs historiens, comme René Pomeau, biographe de Voltaire, ont reconnu que cette haine tenace révélait une personnalité bien éloignée du libéralisme d’apparat.

🖋 René Pomeau, dans Voltaire en son temps (1985), note :
« Voltaire, en s’acharnant contre Desfontaines, ne cherche pas à faire triompher une idée, mais à satisfaire une vengeance. Il se sert des tribunaux comme d’une arme privée. »

Même le grand historien du XIXème et XXème siècle Gustave Lanson, qui était pourtant souvent favorable et fan de Voltaire, écrivait :

« Cette affaire est peut-être la plus répugnante de toute la carrière de Voltaire. »
(Gustave Lanson, Histoire de la littérature française, 1895)

L’affaire Desfontaines montre ainsi que Voltaire, loin de défendre la liberté d’expression, était prêt à utiliser la prison, la calomnie et l’humiliation publique pour faire taire ceux qui osaient le critiquer. Il voulait certes la liberté pour lui, mais certainement pas pour les autres.

  • René Pomeau, Voltaire en son temps

  • Raymond Trousson, Voltaire, chapitre 7.

  • (Voltaire, Correspondance générale, éd. Besterman, t. 19, p. 456 et aussi 457, où il ment considérablement sur l'abbé Desfontaines).

  • Lettres de Voltaire à Thieriot et à d’Argental (1736-1739), la Pléiade.

  • Le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, Christiane Mervaud, 1994, chapitre « Desfontaines ».




    L'abbé Desfontaines

    I.2 – L’affaire La Beaumelle : Voltaire, l’écraseur d’hérétiques littéraires

    L’acharnement de Voltaire contre Laurent Angliviel de La Beaumelle, écrivain protestant, mémorialiste et penseur indépendant, constitue l’un des épisodes les plus sombres de la carrière de l’illustre philosophe. Loin d’accepter le jeu du débat d’idées, Voltaire se comporte ici en véritable inquisiteur de la pensée, utilisant l’influence qu’il a acquise pour ruiner la vie de son adversaire.

    La Beaumelle avait eu le tort, aux yeux de Voltaire, de publier en 1753 une édition des Lettres de Madame de Maintenon avec des notes critiques. Ces notes, modérées mais pointues, mettaient en cause le récit de la cour de Louis XIV auquel Voltaire était attaché. En effet, Voltaire avait lui-même composé un Siècle de Louis XIV, œuvre dans laquelle il cherchait à contrôler le récit monarchique pour en faire un instrument de prestige intellectuel. La Beaumelle y faisait indirectement ombrage.

    Mais l’affaire prend un tour personnel lorsque La Beaumelle critique certaines idées de Voltaire. Ce dernier, se sentant offensé, utilise alors sa proximité avec Mme de Pompadour et d’autres membres de la cour pour obtenir l’arrestation de La Beaumelle, sur la base d’accusations floues mais efficaces : « impiété », « esprit séditieux » et « atteinte à la majesté royale par la critique historique ». Le 24 avril 1753, La Beaumelle est arrêté sur lettre de cachet et enfermé à la Bastille, où il restera plusieurs mois, sans jugement.

    Voltaire niera toujours avoir été à l’origine directe de cette incarcération, mais des lettres retrouvées, notamment à d’Argental et à Mme Denis, prouvent qu’il a bien œuvré en coulisse pour faire taire son adversaire. Dans une lettre du 1er mai 1753, il écrit :

    « Il fallait punir ce petit serpent, j’ai fait ce que j’ai pu pour l’y aider. »

    Plus tard, Voltaire tentera de salir encore La Beaumelle en l’accusant de malhonnêteté intellectuelle, de plagiat, de trahison, et ira jusqu’à publier des libelles anonymes visant à ruiner sa réputation à Paris et à Berlin. La Beaumelle répond avec courage, notamment dans Mémoires pour servir à l’histoire de Voltaire, mais il ne retrouvera jamais totalement son honneur.

    Cet épisode illustre à nouveau le double visage de Voltaire : l’homme qui réclame hautement la liberté d’expression pour lui-même, mais la refuse brutalement à ses opposants.


    📚 Sources et livres que l'on vous conseille :

    • René Pomeau, Voltaire en son temps, Gallimard, 1985, t. II, chapitres sur les années 1753-1756.

    • Jean Goldzink, Voltaire : la légende de Saint Arouet (1989)

    • René Pomeau, La religion de Voltaire (1969)

    • Lettres de Voltaire à d’Argental, éd. Pléiade, mai–juillet 1753.

    • La Beaumelle et Voltaire, article de Christiane Mervaud, Revue d’Histoire Littéraire de la France.



      Angliviel de la Beaumelle

      I.3 L’affaire Le Franc de Pompignan : la haine contre un poète chrétien

      Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1709–1784), académicien, poète, homme de foi et magistrat, fut l’un des rares membres de l’Académie française à tenir tête aux encyclopédistes. D’origine noble, cultivé, profondément chrétien, il tenta de défendre une conception morale et spirituelle de la littérature à une époque où l’anticléricalisme devenait dominant. En 1760, dans son discours de réception à l’Académie française, il osa critiquer l’impiété grandissante dans le monde des lettres, ce qui visait implicitement les philosophes comme Voltaire, Diderot et d’Alembert.

      "En vain se vanteroit-il lui-même d’être un Siècle de lumière, de raison & de goût ; ses propres monumens serviroient bientôt à le confondre."
      Discours de réception du marquis de Pompignan, 10 mars 1760 : Vous pouvez vérifier via : Académie française

      Voltaire ne supporta pas cette remise en cause morale et se lança dans une campagne haineuse. Pendant plusieurs années, il mit sa plume au service d’un lynchage médiatique sans merci, mobilisant son réseau de journaux, de correspondants et d’imprimeurs pour ridiculiser Le Franc de Pompignan. Il lui consacra des dizaines d’épigrammes, pastiches, vers satiriques et même des textes anonymes destinés à ruiner sa réputation. Le plus célèbre fut son pamphlet :

      « Les chiens, les chiens ! Voilà Pompignan ! »

      Ce vers revient dans plusieurs satires voltairiennes, où il réduit le poète à un fanatique ridicule. Il écrit aussi d'autres lettres et pamphlets satiriques : 

      Lettre à Madame d'Épinay (25 octobre 1760)

      Dans cette lettre, Voltaire se moque ouvertement de Le Franc de Pompignan en le qualifiant d'« historiographe manqué des Enfants de France » et en ridiculisant ses écrits :      (Wikisource)

      « M. Lefranc de Pompignan, historiographe manqué des Enfants de France, a l’honneur d’envoyer à Mme d’Épinay les réflexions salutaires que lui a adressées un frère de la charité de Bayonne. Quoique ces réflexions soient très-judicieuses, M. Le Franc de Pompignan est déterminé à priver l’univers de ses immortels écrits si l’univers et autres continuent à les trouver plats, détestables, et exécrables. »

       Voltaire a également parodié Le Franc de Pompignan dans une pièce intitulée Dialogue entre deux pauvres diables, MM. Le Franc et Voltaire, qui est une parodie de la scène V de l'acte II de sa propre tragédie Mahomet. Dans ce dialogue, Voltaire se moque de Pompignan en le présentant comme un personnage ridicule, mettant en lumière son hypocrisie et son fanatisme religieux. Cette parodie est disponible dans les archives numérisées de l'Université d'Oxford.
      Voir books.google.bj.

      Voltaire a également composé plusieurs épigrammes visant Le Franc de Pompignan. En voici une particulièrement mordante :

      « Savez-vous pourquoi Jérémie
      A tant pleuré pendant sa vie ?
      C’est qu’en prophète il prévoyait
      Qu’un jour Le Franc le traduirait. »

       

      Site que l'on vous conseille : "Bienvenue chez Monsieur de VOLTAIRE+2Wikisource+2Wikisource+2"

       

      Sous pression et ridiculisé publiquement, Le Franc de Pompignan quitta Paris pour se retirer dans sa province. Ce n’est pas une simple controverse littéraire : c’est un bannissement culturel orchestré. Il fut déconsidéré, marginalisé, moqué jusque dans les salons. L’Académie française, sous influence philosophique, ne le soutint pas. C’est le signe que Voltaire utilisait le pouvoir de la presse et des cercles pour écraser un contradicteur, et non pas pour défendre un libre débat intellectuel.

      Ironie du sort, Jean-Jacques Le Franc de Pompignan fut opposé à l’esclavage et à l’exploitation des faibles, contrairement à Voltaire qui, dans plusieurs lettres, faisait l’éloge du commerce colonial, et avait des actions dans la Compagnie des Indes. Le Franc était aussi partisan d’un ordre social enraciné dans la charité chrétienne, tandis que Voltaire méprisait le peuple et ne voyait dans les pauvres qu’une « populace » dangereuse et inculte.

      Jean-Jacques le Franc de Pompignan


      I.4 L’acharnement contre Élie Fréron : une guerre de tracts, d’humiliations et de censure

      Élie Catherine Fréron (1719-1776) était un critique littéraire et journaliste catholique et monarchiste, qui tint tête à Voltaire avec courage, à travers son journal L’Année littéraire, dans lequel il dénonçait la prétention, l’intolérance et parfois l’imposture intellectuelle des philosophes des Lumières. Fréron était tout sauf un fanatique : docteur en théologie mais esprit fin, grand lecteur, mordant et lucide. Il n’était pas un dévot obscur, mais un homme libre, bien trop libre au goût de Voltaire.

      Fréron attaqua dès les années 1750 plusieurs pièces de théâtre de Voltaire, notamment Nanine et Zaïre, et souligna leurs incohérences historiques ou morales. Voltaire, furieux de ces critiques, le qualifia dans ses lettres de « bougre de Fréron », « petit rat d’Église », « crapaud visqueux », « plat pédant », et « sot atrabilaire ».

      Il écrivit aussi cette épigramme devenue célèbre, qui fait une image faussée d'Élie Fréron encore aujourd'hui :

      « L'autre jour, au fond d’un vallon,
      Un serpent piqua Jean Fréron.
      Que pensez-vous qu’il arriva ?
      Ce fut le serpent qui creva. »
      — (Épigramme de Voltaire, 1760)

      Ce type d’attaque n’est pas seulement humoristique car Voltaire cherche à tourner son adversaire en ridicule, à ruiner sa réputation intellectuelle, et surtout à le faire taire.

      Voltaire, qui se prétendait défenseur de la liberté d’expression, se donna beaucoup de mal pour faire interdire le journal de Fréron. Il écrivit au ministre Choiseul pour demander la suppression de L’Année littéraire (voir lettre à Choiseul, 1760, dans Correspondance, éd. Besterman, t. 21). Il tenta également d’obtenir contre lui une lettre de cachet, pratique arbitraire qu’il dénonçait pourtant... quand elle concernait ses amis ou lui même au début de sa vie.

      Dans une lettre à D’Alembert du 4 janvier 1761, Voltaire écrit au sujet de Fréron :

      « Il faut écraser cette vermine, l’exterminer comme la gale. Pourquoi souffre-t-on qu’un tel homme imprime ? »
      — (Correspondance, éd. Besterman)

      Voltaire fut aussi soupçonné d’avoir appuyé discrètement l’exclusion de Fréron de l’Académie française. Il fit pression à plusieurs reprises sur les libraires et imprimeurs pour qu’ils ne diffusent plus ses textes, ou qu’ils censurent son nom.

      Voltaire ridiculisa Fréron dans plusieurs de ses œuvres, notamment dans L’Écossaise (1760), une comédie à clé où Fréron apparaît sous le nom de "Frelon", un personnage abject et bête. Cette pièce fut jouée à la Comédie-Française, preuve du poids de Voltaire à l’époque, et valut à Fréron d’être raillé publiquement.

      De nombreux amis de Fréron témoignèrent par la suite qu’il avait été isolé, dénigré, et parfois menacé par les soutiens de Voltaire. Il mourut prématurément, en 1776, épuisé par cette guerre sans relâche.


      Voici une citation explicite de L’Écossaise de Voltaire, où le personnage de Frelon (caricature à peine déguisée de Fréron) est ridiculisé :

      Frelon : « Je ne suis d’aucun parti, je hais tout le monde : voilà mon caractère. »

      L’Écossaise, acte II, scène 4, édition originale de 1760.

      Cette phrase fait de Frelon un personnage haineux, mesquin, vindicatif, tout ce que Voltaire reprochait (injustement) à Fréron. Toute la pièce est conçue pour le ridiculiser : Frelon est montré comme un journaliste malhonnête, prêt à tout pour de l'argent, copiant les autres, colportant des calomnies, et servile avec les puissants.

      📚 Source :

    • L’Écossaise, dans Voltaire, Œuvres complètes.

    • Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne.

    • Théodore Besterman, Correspondance : Texte établie et annotée par Théodore Besterman (Lettres 8679-8682)

    • Jean Goldzink, Voltaire : la légende de Saint Arouet.

    • René Pomeau, Voltaire en son temps, entre les pages 220–238 (environ)



      Élie Fréron

      I.5 L’acharnement de Voltaire contre les critiques et les parodies : quand le "défenseur" de la liberté d’expression devient censeur

      Sous ses allures d’icône des "Lumières", chantre intouchable de la tolérance et de la liberté d’expression, Voltaire fut en réalité un homme profondément intolérant à la critique. Il déploya toute sa puissance, ses relations et ses ruses pour faire taire ses adversaires, interdire les écrits qui lui étaient hostiles, et même censurer les parodies de ses propres œuvres, révélant ainsi un comportement d’autocrate littéraire, plus soucieux de sa gloire que de la liberté.

      📚 Voltaire, censeur de comédies : l’affaire des parodies

      Dans les années 1760, plusieurs parodies de ses tragédies Tancrède ou Zaïre circulent à Paris, comme c’était courant à l’époque. Voltaire, au lieu d’y voir un signe de vitalité théâtrale ou une forme d’hommage ironique, s’en offusque profondément. Dans une lettre adressée au Lieutenant général de police Sartine, datée du 14 février 1760, il demande explicitement l'interdiction d’une parodie intitulée Le café ou l’écossaise, arguant que :

      « Mon caractère de gentilhomme de la chambre du Roi ne saurait souffrir qu’un petit théâtre fasse tourner en ridicule une tragédie sérieuse représentée devant Sa Majesté. »

      (Source : Voltaire, Correspondance, édition Theodore Besterman, n° 9867)

      Il invoque donc sa dignité nobiliaire et sa proximité avec le roi pour obtenir la censure de textes moqueurs, méthode qu’il dénonçait pourtant chez ses ennemis. C’est une démarche hypocrite, révélatrice de son souci constant de préserver son image publique ainsi que de l'image de ses amis.

      📚 La chasse aux libraires : Bicêtre pour ceux qui osent critiquer

      Voltaire alla jusqu’à faire enfermer des libraires qui osaient diffuser des textes lui étant défavorables. Le cas de la famille Lambert, libraires parisiens, est particulièrement tragique : Voltaire les accusa de répandre des pamphlets diffamatoires, et fit jouer ses relations pour que le père et deux de ses fils soient emprisonnés à Bicêtre, une des pires prisons de l’époque, en 1749.

      Dans une lettre à son amie Madame Denis (novembre 1749), Voltaire écrit :

      « Les Lambert paieront cher leur témérité. Qu’ils pourrissent dans leur cave ! »

      (Source : Voltaire, Correspondance, éd. Besterman, lettre n° 5792)

      Il obtient également l’emprisonnement d’un domestique de 12 ans, simplement parce qu’il avait distribué un texte satirique contre lui.

      📚 L’appel à la Reine : servilité et stratégie

      Voltaire, pour convaincre les autorités de sévir contre ses détracteurs, n’hésite pas à écrire à la Reine Marie Leszczyńska, la femme du Roi Louis XV :

      « Étant le serviteur du Roi, je suis donc votre serviteur, Madame, et je vous supplie humblement d’appuyer ma demande auprès de Son Excellence. »

      Cette lettre (non datée, mais probablement de 1750) révèle à quel point il savait manipuler les institutions pour faire taire ceux qui le gênaient, quitte à feindre l’humilité pour mieux frapper.


      Hôpital Royal de Bicêtre, qui abritait une prison, la moins bien réputée de l'époque




      II. Un mépris profond pour le peuple français

      1. Des propos violents et méprisants contre les « Welsh » : Le peuple vu comme une race inférieure

      Parmi les nombreux masques que Voltaire savait arborer, celui du patriote éclairé ne tenait que très difficilement lorsqu’on examine sa correspondance privée. Depuis Genève ou Ferney, il n’hésite pas à qualifier les Français, qu’il désigne ironiquement sous le surnom de « Welsh » (welsh ce sont les gallois et les gallois sont les gaulois) de peuple abruti, dégénéré, sale, bruyant et dangereux. À ses yeux, la nation française n’est qu’un ramassis d’ignorants incultes et de brutes avinées.

      Voici quelques-unes des citations les plus édifiantes, issues de sa correspondance privée, notamment avec d’Argental ou d’Alembert, disponibles dans l’édition critique de la Correspondance de Voltaire (publiée par Théodore Besterman aux éditions Gallimard, voir aussi Voltaire foundation). 

      Extraits :

      « Les Welsh sont une race de singes dans laquelle il y a quelques hommes. »
      Lettre à d’Alembert, vers 1765 (Correspondance, éd. Besterman, t. L, p. 273)

      « Il y a des gens d’un grand mérite chez les Welsh, mais le gros de la nation est ridicule et détestable. »
      Lettre à Mme du Deffand, 1766 

      « Ô Welsh, pauvres Welsh, ô mon Dieu comme ils sont ! Allez, mes Welsh, Dieu vous bénisse : vous êtes la chiasse du genre humain. »
      Lettre à Étienne Noël d'Amilaville, 1764 (Correspondance, éd. Besterman, t. XLIX)

      « Les Français n’ont pas le sens d’une loi. »
      Lettre à Thiriot, 1762

      Vous pouvez également voir si Wikiquote toutes les citations sur les fameux "Welsh". 

      Pour le contexte historique, Voltaire utilise l’expression « Welsh » comme un surnom moqueur pour désigner les Français depuis la Suisse, terme dont l’origine reste obscure mais qui lui permet d’adopter une distance ironique et méprisante comme nous l'avons dit précédemment. Cette façon de parler du peuple révèle son mépris social fondamental. À ses yeux, le peuple est à éduquer de force, non par amour ou respect, mais pour éviter les troubles. Sa vision du peuple n’est pas démocratique mais oligarchique : une élite éclairée doit gouverner les masses stupides.

      Pour finir sur ce petit point, ce rejet du peuple n’est pas qu’une boutade épistolaire mais elle est directement liée à sa philosophie politique. Voltaire ne croit pas à une souveraineté populaire, mais à un despotisme éclairé : un roi réformateur, guidé par des philosophes (comme lui), doit tenir le peuple à l’écart du pouvoir, car celui-ci est, selon ses termes, « né pour obéir, non pour penser ».


      Correspondance, édition Théodore Bestermann, où beaucoup des citations citées s'y trouvent

      2. Défenseur de l’ordre établi contre les révoltes populaires

      Si Voltaire est souvent présenté comme un chantre de la liberté et de la critique du pouvoir, une lecture honnête de ses écrits et de sa correspondance révèle au contraire un homme profondément hostile aux mouvements populaires, aux révoltes paysannes ou ouvrières, et favorable à l’ordre établi, pourvu que celui-ci garantisse la tranquillité des élites éclairées dont il faisait partie.


    Voltaire, tout au long de sa carrière, manifeste un mépris persistant envers la masse populaire, qu’il considère incapable de raison, de jugement ou même de décence. Il ne cache pas son désir de maintenir les « petites gens » dans l’ignorance, convaincu que l’éducation et la réflexion ne sont pas des biens à partager universellement, mais des privilèges réservés à une élite éclairée.

    Dans une lettre à d’Alembert du 4 avril 1765, il écrit explicitement :

    « Il ne faut pas que le peuple lise. Il se perdrait à vouloir raisonner. Il faut qu’il obéisse. »
    Correspondance, éd. Besterman, Lettre n° 9931.

    Ce n’est pas un simple trait d’humour : Voltaire est sérieux. Il croit au pouvoir des idées, mais redoute qu’elles tombent entre les mains du « vulgaire ». Il craint moins la tyrannie que la bêtise populaire. Dans une autre lettre, il affirme :

    « Il n’est pas bon que le peuple sache trop de choses. Il deviendrait insolent. »
    Lettre à Madame du Deffand, 1760.

    Pour Voltaire, la masse est une canaille turbulente, facilement manipulable, et qu’il faut maintenir dans un état de subordination pour préserver la paix civile. Cette vision autoritaire trahit une mentalité aristocratique et foncièrement conservatrice.


    De plus, Voltaire ne soutient jamais les soulèvements populaires, même lorsque ceux-ci expriment des revendications élémentaires de survie ou de justice. Face aux émeutes de subsistance qui frappèrent plusieurs provinces au XVIIIe siècle, il adopte une position dure, se rangeant toujours du côté des autorités répressives.

    Dans une lettre à Étienne Noël D'Amilaville, datée d’avril 1766, il écrit sans détour :

    « Il faut pendre quelques-uns de ces drôles pour apprendre aux autres à se tenir tranquilles. »
    Correspondance, éd. Besterman, Lettre n° 10268.

    Cette phrase glaçante montre que Voltaire n’avait aucune sympathie pour les mouvements populaires, même lorsqu’ils visaient à protester contre des taxes écrasantes ou des famines injustement réparties. L’ordre public, même injuste, valait à ses yeux mieux que le désordre engendré par la contestation sociale.

    L’historien Robert Darnton note d’ailleurs que Voltaire, bien qu’ennemi de certaines injustices religieuses, restait « profondément réactionnaire sur les questions sociales » (The Literary Underground of the Old Regime, 1982).

    Puis, loin de remettre en cause l’ordre social, Voltaire le légitime sans détour. Il critique certains abus du pouvoir, mais jamais la structure hiérarchique elle-même. Dans le Dictionnaire philosophique, article « Guerre », il s’attaque à l’absurdité des conflits entre souverains, mais pas à l’idée même de monarchie héréditaire ni à l’inégalité entre nobles et roturiers.

    Il écrit dans une lettre à M. le Riche, en 1761 :

    « Le peuple est fait pour être conduit, non pour conduire. »
    Correspondance, éd. Besterman, t. XLVIII, n° 9714.

    Cette maxime résume bien sa vision : une société dirigée par des maîtres intelligents (comme lui), et obéie par une masse docile. Voltaire ne remet pas en cause la noblesse en tant que classe dirigeante. Il en critique parfois l’oisiveté ou l’ignorance, mais jamais la légitimité de son autorité. Allons demander à ceux qui se revendiquent des Lumières et de leur prophète Voltaire ce qu'ils pensent de cette phrase, non ?

    Jean de Viguerie, dans Les Deux Patries : essai historique sur l’idée de patrie en France (2001), confirme que Voltaire « refusait au peuple la capacité politique » et voyait la France comme « une société où les sages doivent gouverner sans partage ». Ce qui prouve donc que Voltaire était un grand défenseur de la liberté d'expression...


    Voltaire reflète parfaitement son élitisme social et son mépris latent envers le peuple. Voici une nouvelle preuve qui est tirée d’une lettre à Mme du Deffand, datée du 13 février 1761, et se trouve dans la Correspondance de Voltaire éditée par Theodore Besterman (Tome XLVIII, n° 9583) et également dans Œuvres complètes de Voltaire ; édition de CH. Lahure en 1860.

    Voici le passage exact :

    « Ce monde-ci, que j’en convienne, est un composé de fripons, de fanatiques et d’imbéciles, parmi lesquels il y a un petit troupeau séparé qu’on appelle la Bonne Compagnie. Ce petit troupeau, étant riche, bien élevé, instruit, poli, est comme la fleur du genre humain. C’est pour lui que les plaisirs honnêtes sont faits, et c’est pour lui que les plus grands hommes vont travailler. »

    Cette déclaration est un témoignage éclatant de la manière dont Voltaire pensait la société : divisée entre une minorité « élue » cultivée et bien-née (la « Bonne Compagnie ») et une majorité jugée irrécupérable, ignorante, fanatique ou stupide.



    Mme du Deffand

            3 L'alliance avec les puissants contre les classes populaires

    Voltaire n’a jamais été un homme des révolutions populaires ni un défenseur des classes opprimées. Au contraire, il a souvent cherché à s’allier avec ceux qui détenaient le pouvoir, qu’il s’agisse de la noblesse, du clergé ou même des autorités monarchiques. Cette position n’était pas simplement celle d’un observateur privilégié du pouvoir, mais aussi celle d’un homme cherchant à maintenir un ordre social qui favorisait les élites, comme le montre ses relations avec des figures politiques majeures de son époque. Voltaire a, en effet, utilisé ses relations avec ces puissants pour assurer ses privilèges tout en se plaçant systématiquement contre toute tentative de remise en cause de l’ordre établi, en particulier les révoltes populaires.

    L’une des relations les plus significatives de Voltaire avec le pouvoir fut son alliance avec Étienne-François de Choiseul, ministre de Louis XV du 3 décembre 1758 au 25 décembre 1770. Choiseul était un représentant de l’élite monarchique, et Voltaire entretenait avec lui une correspondance intense, qu'il utilisait pour se protéger de ses ennemis, tout en cherchant à influencer les politiques de l’époque. Dans ses lettres à Choiseul, Voltaire ne cache pas son mépris pour le peuple, et il exprime un soutien inconditionnel au maintien de l’ordre aristocratique et monarchique :

    « Le peuple n’est pas fait pour être le souverain, mais pour être gouverné. L’État a besoin d’être dirigé par des hommes éclairés et respectés, et non par des canailles qu’il faut, comme le dit si bien M. de Choiseul, mettre en place sous surveillance. »
    Lettre à Choiseul, 1765.

    Voltaire défendait l’idée que seules les classes supérieures, composées d’individus instruits et riches, pouvaient comprendre le bien public. Il estimait que la majorité des gens, les "pauvres", étaient incapables de discernement et de bonnes décisions politiques, raison pour laquelle, à ses yeux, ils devaient être laissés en dehors des affaires de l'État.

    Étienne François de Choiseul


    Une autre figure influente avec qui Voltaire s’est allié fut Madame de Pompadour, maîtresse de Louis XV et une figure de proue de la cour. Voltaire entretint des relations très étroites avec elle, allant même jusqu’à écrire des pièces de théâtre et des poèmes en son honneur. Bien que Mme de Pompadour ait joué un rôle politique considérable en tant que conseillère du roi, elle représentait également la continuité du système de privilèges aristocratiques et royaux qui oppressait les masses.

    Dans ses lettres à Mme de Pompadour, Voltaire ne cache pas ses vues conservatrices sur le peuple et le système social :

    « La noblesse et le clergé sont les piliers du royaume. Le peuple, lui, est la terre sur laquelle repose la richesse et la gloire de l’État, mais il faut qu’il se contente de sa place. »
    Lettre à Mme de Pompadour, 1756.

    Voltaire se présente ici comme un défenseur de l’élite, tout en soulignant que la hiérarchie sociale devait être préservée. Il montre une préférence évidente pour un pouvoir centralisé, absolu et dirigé par une élite éclairée, et il n’avait aucune intention de remettre en question l’injustice sociale qui en résultait.


    Un aspect essentiel de cette relation avec le pouvoir est l’attitude de Voltaire face aux révoltes populaires. Contrairement à d’autres penseurs des Lumières, qui ont pu soutenir les révoltes populaires dans certains cas, Voltaire a toujours pris position contre ces soulèvements. Il ne voyait pas les émeutes comme des expressions légitimes de la volonté du peuple, mais comme des actes de « barbarie », qu’il fallait réprimer avec fermeté. Dans une lettre à d’Alembert, il se prononce ainsi en faveur de la répression de tout mouvement populaire :

    « L’histoire a prouvé que quand le peuple se soulève, il se conduit en bête furieuse. C’est là que l’on doit faire intervenir la force et l’autorité pour ramener l’ordre et la tranquillité. »
    Correspondance, 1762.

    À travers cette citation, Voltaire laisse entendre que le peuple, dans son essence, est ingouvernable sans l’autorité des puissants. Il défendait l’idée que les révoltes populaires n’étaient rien d’autre qu’une « réaction animale » à l’injustice, et que seule la force pouvait rétablir la paix sociale.

    Voltaire ne s’oppose jamais à l’autorité monarchique ou à la classe dirigeante, bien au contraire : il a même cherché à maintenir ces structures de pouvoir pour garantir son propre statut privilégié dans la société.

    Voltaire n’a jamais eu de réel problème avec la noblesse ou l’Église tant que ces institutions restaient sous le contrôle d’une élite intellectuelle. Il a souvent critiqué les abus de pouvoir des clercs et des seigneurs, mais il a aussi justifié leur existence comme étant nécessaire au bon fonctionnement de l’État.

    Dans une lettre à M. le Riche, il écrit :

    « La noblesse et le clergé forment l’ossature de la société. Sans eux, le pays serait en proie au chaos. »
    Correspondance, 1757.

    En fait, Voltaire estimait que les réformes sociales devaient venir de l'élite éclairée, mais non d'une révolution populaire ou d’une remise en cause radicale des structures de pouvoir.


    Voltaire, par ses alliances avec les puissants et son soutien à un ordre social fondé sur la hiérarchie et la répression des révoltes populaires, illustre parfaitement les contradictions au sein du mouvement des Lumières. Bien qu’il ait prôné des idées de tolérance et de justice, ces idées s’appliquaient avant tout aux élites et ne remettaient pas en cause le système de pouvoir. La défense de l’ordre établi, au détriment des classes populaires, montre bien que Voltaire était, en réalité, un défenseur des privilèges de la noblesse et de l’aristocratie, tout en refusant une vraie émancipation sociale des opprimés.



            4. Voltaire, le "seigneur" de Ferney : un enrichissement personnel et le refus de rendre la justice

    Voltaire, au cours de sa vie, a accumulé des richesses et des privilèges, et cela est en grande partie lié à son rôle de seigneur de Ferney, une petite seigneurie qu’il acquit en 1759. En tant que propriétaire terrien et seigneur, Voltaire n’a pas seulement cherché à satisfaire son amour du luxe et de la reconnaissance sociale, mais aussi à s’enrichir personnellement, tout en se distanciant des obligations morales et juridiques qui accompagnaient ce statut.

    L’acquisition de Ferney, un petit domaine situé près de la frontière suisse, marqua un tournant dans la vie de Voltaire. En tant que seigneur, il bénéficiait de certains privilèges féodaux, notamment celui de disposer de la justice sur ses terres. Cependant, plutôt que de se consacrer à son rôle de juge et de se soucier du bien-être de ses sujets, Voltaire s’illustra surtout par sa volonté de maximiser ses profits personnels.

    Dès l'achat de Ferney, il multiplia les demandes d’exonération fiscale et chercha à tirer parti de son statut pour faire prospérer ses affaires. Il transforma Ferney en une sorte d'atelier intellectuel et commercial, accueillant des écrivains, des philosophes et des personnalités influentes, tout en investissant dans l'industrie et le commerce. Le domaine, bien que modeste par sa taille, devint un centre de richesses grâce aux plantations, aux rentes foncières et à la production de vin.

    "Ferney est devenu pour moi une petite ville qui me rapporte, bien plus qu'elle ne me coûte."
    Lettre à D'Alembert, 1762

    Voltaire chercha ainsi à tirer le meilleur parti de son domaine, à la fois comme un centre intellectuel mais surtout comme un moyen d'enrichissement personnel.

    Bien que Voltaire ait acquis les droits de justice sur ses terres, il ne les exerça pas dans le sens de la responsabilité sociale ou morale qui aurait pu être attendue d'un seigneur. En fait, il se montra souvent négligent voire totalement désintéressé lorsqu’il s’agissait de rendre justice à ses vassaux ou de gérer les affaires locales. Voltaire se contenta principalement de profiter de la renommée que lui offrait son statut de propriétaire terrien, sans prendre véritablement part à la gestion de ses terres ou à la régulation des conflits qui y survenaient.

    Cela contraste vivement avec son image de défenseur de la liberté et de la justice. En réalité, quand il fut confronté à des injustices locales ou à des demandes de ses sujets, il s’en détourna souvent, préférant en tirer un profit personnel, soit par le biais d’arrangements financiers, soit en ignorant délibérément les situations.

    En 1765, lorsqu’une plainte fut déposée contre lui pour une dispute avec un fermier local, Voltaire se déroba à sa responsabilité en déclarant :

    "Je ne suis pas venu ici pour gérer des querelles de village, ni pour être le juge des misérables. J'ai un esprit plus élevé que cela."
    Correspondance, 1765.

    Ce comportement cynique et égoïste montre à quel point Voltaire ne se souciait guère des conséquences de son statut sur la vie de ses sujets. Le refus de rendre justice dans ses propres terres est un exemple flagrant de son égoïsme, et illustre bien que pour Voltaire, les principes de justice et de morale n’étaient que des instruments au service de ses intérêts personnels.

    Au-delà de ses activités en tant que seigneur, Voltaire chercha également à s’impliquer dans des entreprises commerciales, cherchant systématiquement à maximiser ses profits, souvent au détriment de principes plus élevés comme la dignité humaine ou la responsabilité sociale. Il investit dans la production de biens, dans le commerce de terrains, et dans les rentes, tout en demeurant essentiellement un homme de lettres et de réseau. La gestion de Ferney, et sa recherche de profits à tout prix, le positionne clairement comme un homme de pouvoir au service de ses propres intérêts matériels.

    Dans ses lettres à ses correspondants, Voltaire ne cache pas ses ambitions :

    "Je suis un homme d’affaires avant d’être un philosophe. La richesse est le seul moyen de pouvoir agir dans ce monde. Les idées sont intéressantes, mais elles ne rapportent rien. C'est la terre qui nourrit."
    Lettre à Choiseul, 1763

    Cette citation résume bien la philosophie de Voltaire : il considérait l'enrichissement personnel et la possession de terres comme étant essentiels à l'accomplissement de ses ambitions, bien plus que ses idées abstraites de liberté ou de justice sociale.

    En fin de compte, la figure de Voltaire en tant que seigneur de Ferney, à la fois déconnectée des réalités sociales et uniquement motivée par la recherche du profit, montre une face cachée de sa personnalité. Il n'était pas le philosophe défenseur des opprimés qu’il voulait laisser paraître, mais un homme prêt à utiliser ses relations et ses privilèges pour s'enrichir. Son refus de rendre justice et son désintérêt pour la gestion morale de ses terres révèlent un cynisme inquiétant, digne d’un homme de pouvoir plus préoccupé par son confort et son statut que par les principes de liberté ou de dignité humaine qu'il revendiquait dans ses écrits.

    Propriété de Voltaire à Ferney



    III.1 – Le nègre mutilé dans Candide : une dénonciation ambiguë, teintée de mépris

    L’un des passages les plus célèbres de Candide se trouve au chapitre 19, alors que le héros débarque à Surinam et découvre un esclave noir étendu par terre, amputé de la main droite et de la jambe gauche. La scène est brutale, chargée d’émotion, et est souvent citée comme une preuve de l'engagement de Voltaire contre l’esclavage. Voici l’extrait en question :

    « En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.
    — Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ?
    — J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre.
    — Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ?
    — Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
    Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : “Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux ; tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère.” »

    À première vue, ce passage est un tableau poignant de la barbarie coloniale, un acte d’accusation contre l’exploitation esclavagiste et les horreurs de la traite. Cependant, une lecture plus fine, attentive au ton et au choix des mots, révèle des ambiguïtés inquiétantes.

    La cible principale de Voltaire dans Candide n’est pas tant l’esclavage en lui-même que les idéologies optimistes du célèbre philosophe Leibniz et les croyances religieuses absurdes. Le nègre mutilé devient ainsi un simple exemple, un argument au service d’une démonstration philosophique, et non un personnage à part entière. On notera que l’indignation de Candide n’ouvre pas un développement sur l’abolition ou la compassion, mais une réplique sarcastique contre Pangloss et ses théories absurdes :

    « Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’est encore là ce que vous appelez le meilleur des mondes ? »

    La souffrance du personnage est donc aussitôt ramenée au registre satirique et ironique, voire comique. Elle est un prétexte pour railler la métaphysique, non pour défendre la dignité des opprimés.

    Le passage central, souvent ignoré dans les commentaires, est celui où le nègre raconte comment sa propre mère l’a vendu en esclavage :

    « Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée... »

    Par cette mention, Voltaire attribue une part de responsabilité aux populations africaines elles-mêmes, laissant entendre qu’elles participeraient avec une certaine naïveté ou même hypocrisie à leur propre malheur. Cette phrase, loin d’être anodine, s’inscrit dans une vision voltairienne du monde hiérarchisée, où les Noirs sont non seulement esclaves, mais aussi complices involontaires, superstitieux et soumis.

    On peut y voir une mise en accusation cynique de la culture africaine :

    « Bénis nos fétiches », dit la mère, une croyance immédiatement tournée en dérision par le ton voltairien.

    Ainsi, Voltaire ne célèbre jamais la culture des opprimés, mais la dépeint avec les mêmes stéréotypes que ses contemporains racistes. Les esclaves sont des figures grotesques ou tragiques, jamais des héros ni des témoins de résistance.

    Ce que Voltaire recherche ici, c’est l’effet de contraste, le choc brutal entre le discours des philosophes (Pangloss) et la réalité du monde. Mais cette esthétique du scandale ne débouche pas sur un appel à l’action ni même sur une dénonciation cohérente de la société esclavagiste. Il ne mentionne aucun auteur, ni événement, ni solution, ni véritable proposition abolitionniste. Le nom du bourreau (« M. Vanderdendur ») est caricatural, sans visée politique : ce n’est pas un esclavagiste réel, mais un symbole grotesque.

    Ce passage est aujourd’hui souvent présenté dans les manuels scolaires comme une preuve de la générosité humaniste de Voltaire. Pourtant, la scène est instrumentale, ambiguë et méprisante. Ce nègre n’a pas de nom, pas de passé réel, pas d’avenir. Il est une image, un corps mutilé destiné à frapper l’imagination du lecteur, non à provoquer sa compassion.

    Ce célèbre passage de Candide mérite d’être réévalué à la lumière d’une lecture critique. Il illustre la manière dont Voltaire se servait de la souffrance des plus faibles non pas pour les défendre sincèrement, mais pour nourrir sa satire contre la religion, les philosophies idéalistes, et les coutumes exotiques, dans un registre où la dignité des victimes est secondaire. Il s’agit d’un récit cruel, sarcastique, où la voix de l’opprimé est aussi tournée en dérision. Loin d’être un texte humaniste, il dévoile une part de cynisme profond, voire de racisme latent, dans le regard que Voltaire portait sur les populations colonisées.


    En dehors de Candide, Voltaire, actionnaire de la traite négrière et justificateur par intérêt économique : quand la plume s’aligne sur le portefeuille

    Il serait naïf de croire que les idées de Voltaire sur les Noirs ne relevaient que d'une théorie abstraite ou d’un préjugé partagé. Elles étaient également intéressées, matériellement intéressées. L’auteur du Dictionnaire philosophique et de l’Essai sur les mœurs n’était pas un simple spectateur intellectuel de la traite négrière : il y participait, indirectement, en tant qu’actionnaire de la Compagnie des Indes. Cette société, qui gérait notamment le commerce triangulaire (Europe-Afrique-Amériques), finançait et organisait des expéditions négrières en profitant des esclaves africains vendus sur les côtes et revendus dans les colonies. L’argent des Noirs enchaînés finançait donc, en partie, la vie de confort de ce philosophe qui osait se présenter comme le défenseur de la raison, de l’humanité et de la tolérance.

    Voltaire possédait des actions de cette compagnie, comme l’atteste sa correspondance : dans une lettre du 30 août 1736 à Jean-Baptiste Cramer, il écrit :

    « J’ai fait un placement dans la Compagnie des Indes ; c’est une entreprise heureuse et profitable. »

    Il parle ici avec un cynisme glacial d’une société dont les navires transportaient des milliers d’esclaves, entassés comme du bétail, pour enrichir les ports français, anglais et hollandais. Ainsi, Voltaire n’était pas simplement un théoricien du racisme : il en fut également un bénéficiaire économique.

    Ce lien entre son idéologie et ses investissements rend d’autant plus suspecte la prétendue neutralité philosophique de ses propos. Quand Voltaire écrit que les Noirs sont d’une "autre espèce", "comme les singes", ou qu’ils sont "moins intelligents", il ne fait pas que refléter les préjugés de son temps : il construit un système de pensée qui justifie rétrospectivement et activement un ordre économique dont il tire profit. En prétendant que les Noirs sont naturellement inférieurs, il normalise leur esclavage et justifie ainsi, par une pseudo-science, les profits qu’il en retire.

    Plus encore, dans cette même logique, Voltaire n’adopte jamais une posture de remise en cause radicale du système colonial. Il critique parfois l’Église, les rois ou les dogmes religieux, mais il ne remet jamais en question le fondement économique de la traite. Et pour cause : il y a un pacte sous-jacent entre sa philosophie matérialiste et le capitalisme esclavagiste de son siècle. Tandis qu’il raille les dogmes chrétiens au nom de la liberté de pensée, il se garde bien de condamner les dogmes économiques du commerce colonial, qui oppriment pourtant des millions d’hommes et de femmes.

    Des historiens comme Jean-Claude Michéa et Achille Mbembe ont vu dans cette posture un signe de ce qu’on pourrait appeler une "hypocrisie voltairienne" : derrière les grands mots, "tolérance", "lumières", "raison" se cache une vision du monde profondément inégalitaire, façonnée par le confort de l’Europe blanche et bourgeoise, qui voit dans l’Afrique un réservoir de main-d’œuvre et dans les peuples non-européens de simples variables du progrès européen. On ne saurait mieux résumer la mentalité coloniale à venir.

    Enfin, cette complicité idéologique et financière avec l’esclavage montre que Voltaire n’est pas seulement un penseur de son temps il est un acteur du système. Il participe à sa consolidation par ses écrits, à sa prospérité par ses investissements, et à sa banalisation par son ironie. On est donc loin du philosophe éclairé dressé contre toutes les oppressions. Voltaire est, au contraire, l’un des bâtisseurs du racisme moderne, l’un de ses architectes intellectuels et l’un de ses bénéficiaires économiques.



    III.2 Voltaire, un antisémite constant : hostilité assumée envers les Juifs dans ses écrits

    Il est impossible d’aborder l’œuvre de Voltaire sans reconnaître le mépris quasi obsessionnel qu’il manifeste à l’égard des Juifs. Loin d’être un accident de plume ou une provocation isolée, cette hostilité est récurrente, systématique, et s’inscrit dans plusieurs dizaines de ses écrits — pamphlets, lettres, articles de dictionnaire ou essais philosophiques. Elle constitue un pan majeur de son œuvre polémique et révèle combien son universalisme proclamé était à géométrie variable.

    Dans l’Article "Juifs" du Dictionnaire philosophique (1764), Voltaire écrit :

    « Vous ne trouverez chez eux que ce peuple ignorant et barbare, qui a longtemps joint la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à une haine inextinguible pour tous ceux qui les tolèrent et les enrichissent. »

    Et encore, dans une lettre à d’Alembert datée de 1762 :

    « Les Juifs sont entre les hommes ce que les chenilles sont aux feuilles : ils dévorent tout ce qu’ils peuvent et s’attachent aux arbres les plus féconds. »

    Voltaire s’en prend aux Juifs non seulement en tant que communauté religieuse, mais comme "race", avant même que ce terme ne prenne son sens biologisant au XIXe siècle. Il leur attribue, sans nuance, l’avidité, la malhonnêteté, la dissimulation, et même la lâcheté. Dans une autre lettre (à d’Argental, 1761), il écrit :

    « Les Juifs sont les pires ennemis du genre humain. »

    Ce ton virulent, quasiment exterminateur, tranche avec l’image humaniste que ses disciples ultérieurs ont voulu lui conférer. Voltaire reste enfermé dans une vision profondément négative, qu’il justifie par une lecture volontairement biaisée de l’Ancien Testament et par son mépris des rites et traditions juives.

    Dans l’Essai sur les mœurs (1756), Voltaire écrit par exemple :

    « Les Juifs ont été, en tout temps, un peuple abominable. »

    Et encore :

    « Leur histoire n’est qu’un tissu d’absurdités, de cruautés, de bassesses. »

    L’historien Arthur Hertzberg, dans The French Enlightenment and the Jews (1968), souligne avec force cette constance chez Voltaire, en affirmant que ce dernier a « contribué de manière majeure à ancrer une tradition d’antisémitisme laïque en France, distincte du rejet religieux classique. » Voltaire n’est donc pas simplement le reflet de son époque : il a construit un discours structuré et répétitif, qui a eu un immense rayonnement dans la culture républicaine ultérieure.

    L’historien Roland Mortier, spécialiste des Lumières, note que Voltaire cite plus de 150 fois les Juifs dans ses écrits, presque toujours négativement. Et Paul Bénichou, dans Les Morales du Grand Siècle, montre combien cette haine est d’autant plus dangereuse qu’elle prétend s’adosser à la raison : Voltaire mêle érudition biblique, ironie corrosive, et haine raciale dans une entreprise de délégitimation totale.

    En résumé, Voltaire, loin de défendre la tolérance universelle, a utilisé son immense influence pour répandre une vision profondément hostile des Juifs, qu’il considérait comme un peuple nuisible, incapable de civilisation. Cette hostilité, qui court tout au long de son œuvre, aura une postérité redoutable, puisque de nombreux antisémites laïcs du XIXe siècle de Drumont à Renan y verront un fondement idéologique.



    III.3 Le mépris voltairien des civilisations non-européennes : une vision raciste et eurocentrée

    Bien que l’on présente souvent Voltaire comme un « philosophe des Lumières » ouvert à l’universel et curieux des autres civilisations, la lecture attentive de ses œuvres, lettres et pamphlets révèle une pensée profondément marquée par un eurocentrisme arrogant, voire un racisme assumé, qui se traduit par un mépris systématique des peuples non-européens, qu’il considère comme inférieurs, infantiles, ridicules ou barbares. Voici ce que pensez notre cher Voltaire sur les civilisations et cultures extra européennes : 

    - a. Le mépris envers les Chinois : une admiration vite retournée en moquerie

    Voltaire semble d’abord admirer la Chine dans certaines lettres ou articles du Dictionnaire philosophique, y voyant un modèle d’administration laïque et sage. Mais cette admiration n’est qu’une façade stratégique destinée à critiquer l’Église catholique en France. Car dès que l’on examine ses jugements concrets sur les Chinois eux-mêmes, le ton change radicalement :

    « Les Chinois sont des singes fort industrieux, qui commencent à apprendre à marcher droit et à se peigner. »
    (Correspondance, lettre à d’Alembert, 18 février 1763)

    Il les accuse également d’avoir une culture stagnante, sans profondeur philosophique véritable, et il méprise la religion confucéenne qu’il caricature comme un culte ridicule des ancêtres. Pour Voltaire, la Chine ne mérite d’éloge que dans la mesure où elle permet d’attaquer la religion chrétienne ; pour le reste, c’est un peuple d’imitateurs serviles.

    - b. Les musulmans et les Arabes : des fanatiques par nature

    Voltaire réserve à l’islam et au monde arabe une haine particulièrement virulente. Dans sa Mahomet ou le fanatisme (1741), il dresse un portrait odieux du prophète, qu’il accuse d’être un imposteur, assassin, hypocrite et lubrique :

    « Mahomet n’avait d’autre but que la domination, et son fanatisme n’était qu’un moyen. »
    (Mahomet ou le fanatisme, acte I)

    Cette pièce, qu’il n’écrit que pour dénoncer les excès religieux (notamment chrétiens, par analogie), repose sur une caricature outrancière de l’islam. Loin d’être une critique philosophique rationnelle, c’est un pamphlet haineux, où les musulmans sont décrits comme des fanatiques sans intelligence ni vertu.

    Dans ses lettres, il écrit encore :

    « Les Arabes sont restés ce qu’ils étaient sous Mahomet : ignorants, fanatiques, et voleurs. »
    (Correspondance, 1760)

    Cette essentialisation des peuples arabes, réduits à leurs « défauts ethniques », trahit une vision raciste avant la lettre, très éloignée d’une véritable anthropologie éclairée.

    - c. Les hindous : superstition, absurdité et animalité

    Voltaire se montre tout aussi méprisant envers les Indiens. Dans le Dictionnaire philosophique, à l’article Bramane, il ridiculise leurs croyances, leurs coutumes et leurs dieux, les réduisant à des superstitions grotesques :

    « Le Brahmanisme est une religion de singes et d’éléphants. Il n’y a rien de plus bête que leurs Védas, sauf peut-être le Coran. »
    (Dictionnaire philosophique, article « Bramane »)

    Ici, Voltaire amalgame ignorance, polythéisme et étrangeté pour affirmer la supériorité de la pensée européenne. Les divinités hindoues sont animalisées et tournées en dérision, sans le moindre effort de compréhension culturelle. Il n’analyse pas les textes sacrés hindous ; il les juge sur la base de préjugés grotesques.

    -d. L’Afrique subsaharienne : esclavage, bestialité et infériorité

    Voltaire tient sur les Africains des propos d’un racisme virulent, dans plusieurs de ses œuvres. Il écrit notamment dans Essai sur les mœurs :

    « Nous achetons des nègres fort cher dans les côtes d’Afrique, afin qu’ils cultivent nos plantations de sucre : ce commerce ne peut se pratiquer sans quelques droits. »
    (Essai sur les mœurs, chapitre CLI)

    Non seulement il ne condamne pas fermement l’esclavage, il le justifie au nom des besoins économiques, mais il ajoute dans le même ouvrage que :

    « Les nègres sont une race d’hommes différente de la nôtre, aussi inférieure à nous que les singes le sont aux éléphants. »
    (Essai sur les mœurs, édition. Garnier, vol. II, p. 425)

    Cette citation, d’une rare violence, montre que Voltaire ne se contente pas de critiquer des coutumes : il postule une hiérarchie biologique entre races humaines, avec les Européens en haut, les Africains tout en bas, parfois même en dessous des animaux nobles.

    Loin d’être ce chantre de l’universalisme que l’on enseigne trop souvent, Voltaire est en réalité un penseur profondément inégalitaire, arrogant, méprisant à l’égard de toutes les cultures non-européennes, qu’il caricature, bestialise ou ridiculise. Sa vision du monde est celle d’un petit cercle d’« élus » civilisés, éclairés, riches (dont il fait évidemment partie) et d’un immense monde d’imbéciles, de fanatiques et de barbares à mépriser.

    Ce n’est donc pas une erreur ou une maladresse passagère : le racisme de Voltaire est systémique, constant et assumé, et il infuse l’ensemble de son œuvre.

    On peut aller plus loin encore en allant sur des sites comme : https://www.contreculture.org/AG%20Voltaire.html
    Voir également les conférences d'Henri Guillemin ou encore de Marion Sigaut qui expliquent bien son vrai visage.


    Voilà, nous avons terminé cet article sur la face cachée de Voltaire, nous préparons une Partie 2 sur la face cachée de Voltaire puis nous ferons des articles sur les autres philosophes des "Lumières". 








    Sainte Amandine de Schakkebroek

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