Saint Thibaut de Marly
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Tableau de Joseph-Marie Vien, Saint Louis et Marguerite de Provence visitant Saint Thibaut de Marly |
1. De la chevalerie à la crosse : jeunesse de Thibaut de Marly, enfant des lys
⚜️ Un fils des plus hautes maisons de France
Thibaut naquit vers 1200, au sein de la maison de Marly, branche cadette de la grande famille des Montmorency, qui portait alors parmi les plus glorieux noms du royaume. Son père, Bouchard Iᵉʳ de Marly, était un chevalier valeureux, croisé sous le roi Philippe Auguste, seigneur de Marly-le-Roi et de Châteaufort, en Île-de-France. Sa mère, Mathilde de Châteaufort, descendait en droite ligne du roi Louis VI le Gros, mêlant à sa naissance les armes et le sang royal. On le destinait, tout naturellement, aux charges d’honneur, aux armes, à la cour, et peut-être à quelque prélature noble s’il venait à choisir l’Église.
Il grandit donc dans un monde de chevalerie et de piété aristocratique, où les vertus chrétiennes étaient tenues pour la parure première d’un grand nom, et où l’on apprenait à la fois le psautier et l’épée, le courage et l’obéissance, le latin des clercs et le franc parler des barons. La maison de Marly était connue pour sa proximité avec les ordres religieux, et notamment l’abbaye cistercienne des Vaux-de-Cernay, fondée par sa famille. Il n’est pas exagéré de dire que Thibaut fut nourri dès l’enfance par la présence et le rayonnement des moines blancs.
🏇 Une éducation de preux, mais un cœur de contemplatif
Tout le jeune Thibaut semblait pourtant promis aux gloires du siècle. On lui enseigna l’art du combat, les règles des tournois, le respect des dames et des serments d'honneur. Il participa, comme ses pairs, aux joutes et aux jeux courtois, fréquentant sans doute la cour de Philippe Auguste, dont il partageait les codes et les valeurs. Mais en son cœur résonnait un autre appel, plus doux, plus haut : l’appel du Christ pauvre et humilié, l’appel du cloître, l’appel du silence.
Un jour, raconte-t-on, alors qu’il devait se rendre à un tournoi, il entra dans une chapelle pour assister à la messe de la Vierge Marie. Pris par la prière, il y demeura tout l’office durant, oubliant l’heure. Lorsqu’il rejoignit les siens, il apprit qu’un chevalier inconnu, vêtu comme lui, avait combattu et remporté la victoire à sa place. Thibaut comprit alors que le ciel avait envoyé un ange pour l’en détourner : ce fut pour lui un signe. De cet événement discret, il tira une résolution profonde : se retirer du monde, non par lâcheté mais par amour du Ciel, et revêtir l’habit de moine.
🕊️ Un royaume en mutation, une Église en ferveur
À cette époque, la France était secouée par de grands bouleversements. Le roi Philippe Auguste venait d’écraser les Anglais à Bouvines (1214), et son fils Louis VIII partait bientôt en croisade contre les Albigeois. Les croisades, les hérésies, les tensions entre barons et couronne, formaient le décor agité d’un royaume chrétien mais fragilisé. Toutefois, dans le même temps, de grandes figures spirituelles surgissaient : saint Dominique, saint François d’Assise, et plus près de lui, saint Louis, alors jeune prince, cousin de Thibaut.
Dans ce tumulte, le jeune Marly ne voulut pas choisir les honneurs de la guerre ou les intrigues de la cour, mais la paix du Christ. Il entendit l’appel de Dieu dans un monde en feu, et voulut, comme saint Benoît autrefois, se retirer pour mieux intercéder.
Ainsi, à l’âge de 26 ans environ, vers 1226, il frappa humblement à la porte de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, fondée par ses ancêtres, et y demanda l’habit cistercien. L’abbé Thomas tenta de le dissuader, connaissant la rudesse de la règle ; mais Thibaut, doux et ferme, insista. Le noble chevalier devenait moine blanc.
🍇 Le pays de Marly entre vignes, forêts et privilèges féodaux
Marly, terre natale de saint Thibaut, n’était pas seulement un domaine noble : c’était un petit monde en soi, un pays où les hommes vivaient entre vignobles, bois giboyeux et terres labourées, aux portes de la grande forêt d’Yveline. Situé non loin de Saint-Germain-en-Laye et de Paris, ce terroir appartenait à l’ancien pays du Hurepoix, à la fois proche du pouvoir royal et riche d'une identité rurale bien enracinée.
Depuis le XIe siècle, la seigneurie de Marly bénéficiait de chartes coutumières, d’exemptions fiscales locales et de droits d’usage accordés aux paysans par les seigneurs de la lignée. Ces chartes, bien que modestes, montraient une certaine attention des Montmorency-Marly à l’égard des tenanciers et des clercs. Le vignoble y tenait une place importante : les coteaux de Marly, exposés au midi, produisaient un vin blanc estimé, destiné en partie à la consommation seigneuriale et à l'approvisionnement des abbayes voisines, comme celles de Saint-Denis, de Cîteaux et surtout des Vaux-de-Cernay.
Dans ce pays mêlé de sacré et de sève, la foi rurale était profonde. Les croix de chemins, les chapelles villageoises et les confréries d’habitants témoignaient d’un attachement charnel à la terre et à Dieu. Marly ne connaissait pas encore la gloire royale qu’elle connaîtra sous Louis XIV, mais elle vibrait déjà d’une harmonie médiévale, d’un équilibre entre l’ordre féodal, la charité chrétienne et la vie agricole.
C’est dans ce terreau d’enracinement et de spiritualité que grandit Thibaut, recevant dès l’enfance cette double empreinte : celle du chevalier et celle du vigneron, celle du seigneur et celle du paysan priant.
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Saint Thibaut de Marly en train de prier |
✝️ 2. Moine blanc, abbé fidèle, père des pauvres : la vie monastique de saint Thibaut de Marly
À l’âge où d’autres fils de barons s’élançaient en croisade ou tramaient leur ascension au service du roi, Thibaut de Marly choisit la voie étroite, celle du silence, de l’humilité et du combat intérieur. Ayant renoncé à l’héritage de ses aïeux, il entra en 1220 dans l’abbaye cistercienne des Vaux-de-Cernay, une fondation des Montmorency érigée en 1118, nichée entre bois et ruisseaux dans la vallée de Chevreuse. C’était alors une maison rayonnante, austère, mais active, déjà influencée par la réforme cistercienne de saint Bernard de Clairvaux.
🕯️ Une conversion du cœur, entre austérité et douceur
À peine vêtu de la bure blanche, Thibaut adopta avec ferveur la règle de saint Benoît, mêlant le travail manuel, la prière liturgique et la contemplation. Il servait à l’autel, défrichait les bois, visitait les malades, avec une joie paisible qui étonna même les frères anciens. Selon le chroniqueur de l’abbaye, dom Jean de Cernay, il jeûnait souvent au pain sec et à l’eau, mais toujours avec un visage serein, car, disait-il : « La peine du corps est le repos de l’âme. »
On raconte qu’il passait ses nuits en prière, prosterné dans la pénombre du chœur, priant pour les pécheurs, les âmes du purgatoire et les misères de France. Il avait une dévotion tendre pour la Sainte Vierge, récitant sans cesse le Salve Regina, et s’agenouillant chaque fois qu’il entendait son nom.
🕊️ Élu abbé malgré lui, il devient pasteur vigilant et guide des humbles
En 1235, malgré ses résistances, Thibaut fut élu abbé des Vaux-de-Cernay, en remplacement de l’abbé Eudes. Il refusa d’abord avec larmes, ne se jugeant pas digne de guider des âmes, mais finit par céder à l’obéissance de ses supérieurs. Dès lors, il administra l’abbaye avec une ferveur toute paternelle : veillant à la régularité de la vie monastique, à la charité fraternelle, à la pureté des intentions.
Sous son abbatiat, l’abbaye connut une période de rayonnement spirituel exceptionnel. Il accueillait pèlerins, pauvres et malades avec une douceur bouleversante, descendant lui-même ouvrir la porte aux nécessiteux, lavant leurs pieds et partageant son pain. Il imposait la même charité à ses moines, disant : « Une abbaye qui ferme son cœur aux pauvres est une grange vide devant Dieu. »
Lui-même se dépouillait sans cesse. Une fois, un frère l’ayant vu donner son manteau à un lépreux, osa lui reprocher sa légèreté. Thibaut répondit simplement : « Il ne faisait que le réclamer, car je le tenais en dépôt pour lui. »
Mais son renom de sainteté, son discernement et sa prudence dans la direction des âmes dépassèrent vite les murs de Vaux-de-Cernay. L’évêque de Paris, Guillaume d’Auvergne, docte prélat et conseiller du roi, lui confia vers 1235 la direction spirituelle des moniales de Port-Royal, tandis qu’en 1236, Thibaut reçut la délicate mission d’inspecter l’abbaye féminine de la Joie-lès-Nemours. Peu après, le chapitre général de l’ordre cistercien (1237) le chargea de la supervision de Notre-Dame du Trésor, abbaye du Vexin, puis encore de la communauté masculine du Breuil-Benoît, près d’Évreux.
Ces charges multiples, bien qu’acceptées par fidélité à l’obéissance monastique, furent pour lui une épreuve douloureuse, car elles l’éloignaient de son cloître bien-aimé. Il confia un jour, dans une prière brûlante d’ardeur mystique :
« Ô mon âme, ton Bien-Aimé, celui que tu cherches et que tu désires n’est pas ici ; retournons, je te prie, à Vaux-de-Cernay, c’est là que tu le trouveras, que tu converseras avec lui et que tu auras le bonheur de le voir par la foi dans l’oraison, en attendant que tu le voies face à face et tel qu’il est en lui-même. Retourne, Sunamite, à ton monastère, retournes-y promptement, et là tu adoreras ton Dieu avec plus de dévotion et de sûreté ! »
Cette parole révèle un cœur tout consumé par le désir de Dieu, un cœur qui trouvait dans le cloître non pas un repli, mais le centre du monde, le lieu où s’unissent l’homme et le ciel. Son obéissance n’était jamais une fuite, mais toujours un acte d’amour. Ainsi, même dispersé dans des charges extérieures, saint Thibaut restait tout entier ancré en Dieu, et dans l’âme profonde de son abbaye.
🛡️ Un conseiller des princes, mais sans flatterie
Bien que retiré du monde, Thibaut ne pouvait éviter les sollicitations des grands. Des seigneurs, des évêques, et même le roi Louis IX, futur saint Louis, vinrent le consulter. Il conseillait sans flatterie, tenant bon sur les questions de justice, d’humilité et de vérité. On rapporte qu’il osa reprendre un baron pour sa cruauté envers ses serfs, et que celui-ci, frappé de repentir, rétablit ses droits coutumiers.
Il soutint aussi la réforme ecclésiastique voulue par le pape Grégoire IX, encourageant le retour à la stricte observance dans les monastères trop relâchés, tout en s’opposant à la sécheresse morale de certains réformateurs autoritaires. Son équilibre le rendait précieux : doux mais ferme, mystique mais enraciné.
🕯️ Un abbé priant pour sa patrie
En ces années marquées par les tensions féodales et les débuts de la croisade contre l’hérésie cathare, Thibaut intensifia sa prière pour le royaume. Il priait pour le roi, pour les enfants abandonnés, pour les prisonniers et les soldats. Lors de la grande disette de 1241, il ouvrit les greniers de l’abbaye et fit venir de Chartres des vivres pour les pauvres de la vallée, au risque d’appauvrir la communauté.
Certains le disaient thaumaturge : il aurait guéri un enfant aveugle en le bénissant avec de l’eau bénite, et prédit à un jeune novice sa mort prochaine, l’aidant à se préparer saintement. Mais lui-même ne parlait jamais de miracles.
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Abbaye des Vaux de Cernay |
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Croquis représentant l'abbaye des Vaux de Cernay au XVIIème siècle |
👑 Anecdote : Le lys du cloître et la couronne : Thibaut, saint Louis et Marguerite de Provence
À l’ombre des grands chênes de Cernay, le silence priant des moines n’était pas sans écho dans les hautes salles du palais capétien. Thibaut, devenu abbé des Vaux-de-Cernay en 1235, rayonnait déjà par son humilité rayonnante et sa ferveur rigoureuse. Sa réputation de sainteté franchit les murs du monastère, et parvint jusqu’à la reine Marguerite de Provence, jeune épouse de Louis IX, alors encore sans enfant. Dans une époque où le trône attendait ardemment un héritier, l'intercession d’un moine réputé pour sa pureté et sa prière était plus précieuse qu’une légion.
Aux alentours de l’an de grâce 1240, le roi saint Louis et la reine Marguerite sollicitèrent donc la venue de l’abbé Thibaut. Celui-ci accepta de prier pour leur stérilité apparente, et surtout, à leur demande, bénit l’eau de la fontaine sacrée de l’abbaye de Cernay, y puisant la force d’intercéder pour le couple royal. Ce geste, empreint de foi plus que de cérémonie, fut le canal du miracle : peu après, le 11 juillet 1240, la reine mit au monde une fille, la princesse Blanche, considérée alors comme l’enfant de la prière.
Ce prodige inaugura une longue postérité : Marguerite enfanta onze enfants, autant de lys promis que l'on retrouva plus tard dans une célèbre gravure du XVIIIe siècle de Joseph-Marie Vien, figurant saint Thibaut offrant un lys à onze tiges à la reine en remerciement céleste.
Touché par cette grâce, le roi Louis IX manifesta sa reconnaissance par des dons royaux à l’abbaye, mais surtout, il conserva envers l’abbé une estime profonde et fidèle. C’était là bien plus qu’une simple faveur politique : c’était l’alliance scellée entre la couronne et la prière, entre le pouvoir temporel et la lumière spirituelle des cloîtres.
« Que votre prière enfante un royaume, et que votre silence parle au cœur des rois. » – maxime cistercienne apocryphe
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Vitrail représentant Saint Thibaut de Marly avec Saint Louis et Marguerite de Provence agenouillé |
3. ✝️ Le dernier combat du moine-soldat : la fin de vie de saint Thibaut
Thibaut de Marly, abbé des Vaux-de-Cernay depuis 1235, avait mené toute sa vie comme un chevalier du silence, un lutteur de l’esprit dans la règle cistercienne. Il n'était pas de ces saints baignés de miracles éclatants, mais de ceux dont la persévérance opiniâtre est un feu sacré.
Sa santé, fragile dès sa jeunesse, s’affaiblissait à mesure que son âme gagnait en force. De multiples maladies l’éprouvaient : fièvres longues, douleurs aux jambes, faiblesse des reins, comme le rapporte la chronique monastique du temps. Malgré cela, jamais il ne manqua l’office, jamais il ne quitta la stalle du chœur, où l’on le voyait prostré, les bras en croix, transpirant de douleur mais priant encore.
Vers 1246, les signes de la mort approchaient, mais Thibaut, fidèle jusqu’au bout à l’idéal cistercien, refusa toute douceur dans ses derniers jours : pas de lit moelleux, pas de soulagement. Il exigea de mourir à même la cendre, vêtu du simple froc de laine rude, comme un pénitent en marche vers la miséricorde. Un des moines témoigna plus tard :
« Il voulut mourir comme il avait vécu, pauvre, pur, et crucifié. »
Il s’éteignit ainsi, le 8 décembre 1247, jour de l’Immaculée Conception, comme un symbole, lui qui toute sa vie avait recherché la pureté de cœur. Sa dernière parole aurait été :
« Seigneur, que mon âme soit à Toi, comme mon corps fut au service de Ton Église. »
Sa mort plongea l’abbaye dans un silence lourd de sainteté, mais bientôt éclata un élan populaire : des miracles furent signalés sur sa tombe, des malades venus en procession affirmaient être guéris. Les Vaux-de-Cernay devinrent un lieu de prière et de pèlerinage. Le tombeau du saint abbé, simple dalle de pierre, devint un autel de ferveur, une source vive pour les âmes affamées d’exemple.
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Dalle funéraire de Saint Thibaut de Marlyà Vaux de Cerney |
4. 👑 Un saint pour l’autel et pour le trône : canonisation, culte et postérité de Thibaut de Marly
Dès les jours qui suivirent sa mort, en décembre 1247, la renommée de sainteté de Thibaut de Marly se propagea comme un encens invisible. Les pèlerins affluaient à Vaux-de-Cernay, et l'on commença bientôt à rapporter de nombreux miracles sur sa tombe : guérisons de fièvres, délivrances de maux paralysants, secours dans les grossesses difficiles. La chronique des Vaux-de-Cernay note qu’on vint jusqu’d’Angleterre, d’Allemagne et d’Aragon pour vénérer le bienheureux abbé. Le tombeau, modeste dalle de pierre dans l’abbatiale, devint un centre vivant de prière.
La communauté, les évêques d’Île-de-France et même les proches du roi demandèrent sa canonisation. Le roi Saint Louis lui-même, qui avait été frappé par la douceur et la force intérieure de l’abbé, appuya cette cause. Il avait vu en Thibaut un modèle de fidélité à Dieu et au roi, un compagnon spirituel du royaume de justice qu’il rêvait de bâtir.
Le fils de Saint Louis, Philippe III le Hardi, ainsi que sa femme le Reine Isabelle d'Aragon puis la Reine Marie de Brabant iront également sur la tombe de Saint Thibaut de Marly à plusieurs reprises avec leurs enfants (dont le futur Roi Philippe IV le Bel).
En 1270, à peine 23 ans après sa mort, le pape Grégoire X proclama la canonisation de Thibaut, reconnaissant la pureté de sa vie, la constance de son obéissance et la vérité des miracles posthumes. La fête liturgique fut fixée au 8 décembre ou 7 décembre, jour de son trépas. Elle fut étendue à plusieurs diocèses de France, en particulier celui de Paris et de Chartres.
Et le 29 septembre 1710, le Pape Clément XI confirma la canonisation de Saint Thibaut de Marly.
Le culte de saint Thibaut s’enracina profondément dans la région des Yvelines. Il fut honoré dans toutes les fondations cisterciennes proches, en particulier aux Vaux-de-Cernay, mais aussi à Port-Royal, qu’il avait tant guidé, et dans plusieurs paroisses rurales où des chapelles lui furent dédiées. Sa vie devint un modèle pour les moines et abbés cisterciens, mais aussi pour les clercs proches du pouvoir, car Thibaut avait su allier service du roi et service de Dieu, sans jamais trahir le silence du cloître.
Les Vaux-de-Cernay, longtemps après sa mort, continuèrent à célébrer sa mémoire avec ferveur. Au XIVe siècle encore, des prières spéciales étaient chantées en sa mémoire, et son tombeau était fleuri le jour de sa fête. Même après les ravages de la guerre de Cent Ans et les troubles du XVIe siècle, son nom resta vivant. Dans les siècles suivants, alors que Port-Royal devenait un centre du jansénisme, certains solitaires évoquaient encore la mémoire de Thibaut comme celle d’un moine parfait, doux et fidèle.
Mais vient l'évènement tragique que fut la Révolution Française de 1789, où la haine anti Catholique a envahi les esprits des quelques sans culottes minoritaires et autres révolutionnaires, l'abbaye des Vaux de Cerney est détruite en partie (en 1791), et les reliques de Saint Thibaut de Marly sont brûlées. Seul reste son crâne qui se trouve à l'heure actuelle dans la chapelle Sainte-Marie dans l'église Saint Brice de Cernay la Ville.
Au XIXe siècle, dans le mouvement de redécouverte des saints oubliés, Dom Guéranger mentionna brièvement son culte dans ses travaux de restauration bénédictine. Aujourd’hui encore, une rue de Marly-le-Roi porte son nom, et dans les ruines de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, transformées en domaine privé, un souvenir discret continue de flotter parmi les pierres : celui d’un moine, noble et simple, qui crut que Dieu seul suffisait.
Saint Thibaut de Marly, moine enflammé, abbé humble, conseiller des rois et berger des âmes, brille dans le ciel des saints français comme un astre paisible. Il n’a pas fondé d’ordre, il n’a pas levé d’armée, il n’a pas parlé aux foules. Mais il a aimé Dieu dans le silence, il a porté les fardeaux de l’obéissance, il a gardé la fidélité quand beaucoup fuyaient. Et c’est pourquoi l’Église l’a mis sur les autels.
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Église Saint Brice de Cernay, où repose le crâne de Saint Thibaut de Marly |
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