Sainte Amandine de Schakkeboerk
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Sainte Amandine |
👶 1. Une enfance simple et lumineuse dans les plaines de Flandre (1872–1891)
Sainte Amandine vit le jour le 28 décembre 1872, à Schakkebroek, petit village campagnard du diocèse d’Hasselt, dans la province du Limbourg belge. Son nom de baptême était Pauline Jeuris. Elle était la cinquième d'une fratrie nombreuse, née dans une famille paysanne modeste mais profondément croyante, où les saisons cadencées par la messe dominicale et les litanies du soir donnaient à la vie sa tonalité sacrée.
Hélas, comme souvent dans les campagnes pauvres de l’Europe du XIXe siècle, le malheur ne tarda pas à visiter son foyer : sa mère mourut alors que Pauline n’était encore qu’une fillette, et son père, ne pouvant subvenir seul aux besoins de ses enfants, les plaça dans des foyers ou des institutions religieuses. La jeune Pauline fut confiée aux Sœurs de l’Amour Divin à Herk-de-Stad, où elle fut instruite, vêtue, nourrie, et surtout, éveillée à la vie intérieure.
Dès l’enfance, elle fit montre d’un tempérament joyeux, audacieux, un peu malicieux même, mais toujours empreint d’une douceur profonde. Les sœurs voyaient en elle une âme vive, avide de prière autant que de rires, celle qu’on surnommait affectueusement « la petite flamme de Dieu » tant son ardeur spirituelle semblait brûler sans jamais faiblir.
Plus tard, elle travailla comme aide dans un hôpital dirigé par des religieuses franciscaines à Liège, où elle assista les malades avec tendresse. Ce fut là, au chevet des souffrants, que son désir missionnaire prit forme : elle voulait donner sa vie pour les plus pauvres, les plus loin, là où le Christ n’était pas encore connu ou aimé. Une vocation naissait dans le silence des couloirs d’hospice.
En 1892, à 20 ans, elle entra chez les Franciscaines Missionnaires de Marie, congrégation fondée par Marie de la Passion, dont le charisme alliait l’adoration eucharistique au service missionnaire actif. Elle reçut alors le nom religieux de Sœur Marie Amandine, en l’honneur de l’amour délicat de Dieu, amandus en latin.
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Sainte Amandine et ses compagnes (1898) |
💝 2. L’appel intérieur : entre silence, service et soif d’horizons lointains (1886–1892)
L’enfance rude et lumineuse de Pauline Jeuris, future sœur Marie Amandine, forgea une âme bien trempée, où la douleur et la foi s’entrelacèrent dès l’aube. Orpheline très jeune, elle fut élevée par les religieuses dans un climat de charité discrète, baignée dans la liturgie quotidienne, le travail humble et les récits édifiants des missions lointaines. Elle gardait dans son cœur les images de ces terres inconnues d’Asie ou d’Afrique, où des religieuses donnaient leur vie dans l’ombre des palmiers ou la poussière des sentiers.
À l’âge de 14 ans, elle entra comme domestique à l’hospice Saint-Charles de Liège, tenu par les Sœurs de Saint-François. Ce fut là, dans les couloirs pleins d’effluves médicinaux, au chevet des moribonds et des miséreux, que germa sa vocation véritable. Elle s’éprend d’un amour ardent pour les pauvres, non pas dans l’abstraction théorique, mais dans la chair vive du quotidien : laver un corps affaibli, tenir la main d’un agonisant, sourire à un visage rongé par la fièvre, autant d’actes qui devinrent pour elle des sacrements silencieux.
Elle se disait :
« Le Bon Dieu m’appelle à tout quitter, à Le suivre là où Il n’est pas aimé. »
Elle aspirait à une vie où l’on pourrait unir l’adoration du Christ à l’offrande totale de soi pour le salut du monde. Cette flamme intérieure trouva son exutoire lorsque Pauline découvrit l’existence des Franciscaines Missionnaires de Marie, fondées en 1877 par Marie de la Passion. Cette congrégation audacieuse envoyait des femmes à travers les continents pour porter l’Évangile par les soins, l’enseignement et surtout, l’exemple d’une vie pauvre et donnée.
En 1892, à l’âge de 20 ans, elle entra au noviciat de Marche-les-Dames, en Belgique. C’est là qu’elle reçut son nom religieux : Sœur Marie Amandine, symbole d’un amour doux, patient, joyeux. Elle fit profession le 4 octobre 1895, en la fête de saint François d’Assise, son modèle d’humilité et de joie évangélique. Elle s’écria alors, selon la tradition :
« Maintenant, je suis tout à Jésus, et je veux être toute à ses petits. »
À peine avait-elle prononcé ses vœux qu’on l’annonça partante pour la Chine, destination redoutée et espérée, car les persécutions y faisaient rage. Elle n’en fut point effrayée. À ses compagnes qui s’inquiétaient, elle répondit :
« Quelle grâce de mourir pour Jésus dans une terre où il a si peu d’amis ! »
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Cadre représentant Sainte Amandine |
🕊 3. La Croix au pays du Dragon : mission à Taiyuanfu (1895–1900)
À peine ses vœux prononcés, Sœur Marie Amandine fut envoyée au service des missions en Chine, dans la province du Shanxi. C’était là une terre âpre et dangereuse, dont les colères populaires pouvaient se retourner contre les étrangers à tout moment, mais où la soif de l’Évangile brillait dans quelques cœurs simples, portés par la charité des missionnaires.
En mars 1899, elle rejoignit la communauté des Franciscaines Missionnaires de Marie à Taiyuanfu, capitale du Shanxi, pour y servir dans l’hôpital de la mission tenu par les frères mineurs franciscains. Le climat était rude, les mœurs locales parfois hostiles, et la barrière de la langue tenace. Mais elle ne s’en laissa point troubler. À son arrivée, elle écrivit :
« J’ai tout quitté pour le bon Dieu. Que m’importe la langue, le pays, les coutumes ? Là où l’on peut souffrir et aimer, là est ma patrie. »
Elle se mit avec zèle au service des malades chinois, les plus délaissés, souvent répugnants aux yeux des autres, qu’elle appelait « mes petits rois ». Ceux qui l’approchaient parlaient de son rire clair, enfantin, mais profond, qui contrastait avec la souffrance environnante. Elle soignait, elle chantait, elle priait, parfois tout à la fois.
Les enfants l’admiraient. Les malades l’appelaient la sainte blanche. Elle portait la coiffe franciscaine comme un flambeau d’humilité, offrant son quotidien comme une liturgie secrète. Son supérieur dira d’elle :
« Jamais je n’ai vu une religieuse si joyeuse dans les corvées. Elle portait la charité comme un manteau. »
Cependant, le contexte politique devenait de plus en plus inquiétant. Le ressentiment envers les étrangers et les missionnaires, attisé par la secte nationaliste des Boxers, montait en crescendo. Les rumeurs de massacres, de pillages et de révoltes s’épaississaient comme des nuages noirs sur la plaine jaune du Shanxi.
Sœur Marie Amandine, pourtant, ne voulut jamais fuir. À ses sœurs tentées par la peur, elle murmurait :
« Mourir ici, c’est entrer chez soi. »
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Ste Amandine à son poste de mission à Taiyuan |
♱ 4. Le temps du martyre : la persécution des Boxers et l’offrande de soi (1900)
À l’aube du XXe siècle, la Chine impériale était secouée par une vague de colère nationaliste et mystique. Un mouvement insurrectionnel connu sous le nom de Yihequan, littéralement « Poings de justice et d’harmonie », se répandait dans le Nord du pays. Appelés « Boxers » par les Occidentaux, ces hommes, convaincus d’être invincibles grâce à leurs rites de possession et de gymnastique martiale, voulaient chasser les étrangers et éradiquer la foi chrétienne, qu’ils voyaient comme une trahison de l’âme chinoise.
En juin 1900, la révolte devint persécution. À Taiyuanfu, le gouverneur Yu Xian, fanatiquement hostile aux étrangers, se fit le bras armé de cette haine. Il ordonna la capture de tous les missionnaires européens et de leurs catéchumènes chinois.
Sœur Marie Amandine fut arrêtée le 5 juillet 1900, avec six de ses consœurs franciscaines et plusieurs frères missionnaires. Leurs derniers jours furent marqués par un silence tendu, mêlé à la lumière étrange d’une joie surnaturelle.
Tandis que l'on annonçait leur exécution imminente, la petite sœur belge rayonnait, encourageant les autres, riant même dans la cellule. À une sœur terrifiée, elle dit :
« Allons donc ! Tu ne veux pas aller au Ciel ? Ce sera si beau, si beau de voir le Bon Dieu ! Et nous y allons ensemble ! »
La sentence tomba : ils seraient décapités dans la cour du yamen (résidence du gouverneur), le 9 juillet 1900. Ce jour-là, par une chaleur écrasante, 29 martyrs furent menés sur le lieu du supplice. Parmi eux, sept Franciscaines Missionnaires de Marie, venues de Belgique, France, Italie et Pays-Bas.
Les religieuses, vêtues de leur habit blanc, avancèrent en chantant des cantiques. Les soldats, troublés, hésitaient. Marie Amandine, rayonnante, leur dit :
« Nous ne sommes pas venues en Chine pour vous fuir, mais pour vous aimer. Si nous devons mourir, ce sera pour vous. »
Elle fut l’une des dernières à tomber, le sourire aux lèvres, la croix entre les doigts, et ces mots dans le cœur : « Mon Dieu, je vous aime ».
Les corps furent jetés dans une fosse commune, mais la mémoire des fidèles les recueillit, comme un encens précieux.
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Représentation de Sainte Amandine |
🙏 5. Une couronne céleste : canonisation, culte et rayonnement de Sainte Amandine
Le martyre des Franciscaines missionnaires de Marie à Taiyuanfu suscita une émotion immense dans l’Église. Ces jeunes femmes venues d’Europe, ayant tout quitté pour soigner les malades et enseigner la foi dans un empire lointain, avaient scellé leur engagement par le sang. La congrégation des Franciscaines missionnaires de Marie reçut ce sacrifice comme une grâce, une offrande totale à l’amour du Christ.
Dès 1901, les survivants et les fidèles en Chine commencèrent à vénérer les martyrs de Chine comme des intercesseurs puissants. En Belgique, à Herk-la-Ville, le souvenir de la « petite Justine » devenue sainte Amandine émut les cœurs. On dressa des images pieuses, des reliquaires, et l’on commença à relater sa vie avec ferveur.
Mais ce n’est que près d’un siècle plus tard, dans un élan de réconciliation et d’universalité, que l’Église proclama solennellement leur sainteté. Le 1er octobre 2000, saint Jean-Paul II canonisa les 120 martyrs de Chine, dont sainte Marie Amandine, lors d’une cérémonie grandiose à Rome, en présence de pèlerins venus du monde entier. Le pape déclara ce jour-là :
« Ils ont préféré mourir plutôt que de renier leur foi. Ils sont pour nous des exemples lumineux de fidélité et d’amour. »
La fête liturgique des martyrs de Chine est fixée au 9 juillet, jour de leur supplice. Le nom de sainte Amandine rayonne désormais dans l’Église universelle, mais c’est en Belgique et dans les communautés franciscaines qu’elle est le plus intensément honorée.
Son visage rond et doux, souvent représenté avec une croix ou un bouquet de lys, inspire les jeunes religieuses, les infirmières missionnaires, les enfants, et tous ceux qui désirent aimer jusqu’au bout.
En Chine, malgré les persécutions encore présentes, les catholiques vénèrent ces martyrs dans le secret ou lors de pèlerinages discrets. À Taiyuan, une cathédrale a été reconstruite, sur les lieux même où tant de sang fut versé, comme une réponse d’espérance à la haine.
Dans les églises franciscaines, dans les familles belges chrétiennes et dans les cœurs de nombreux croyants, sainte Amandine est invoquée comme une sainte de la tendresse joyeuse, du don total et de l’abandon amoureux à Dieu. Elle est la sœur des petits, des malades, des persécutés. Elle est la fleur missionnaire de Belgique.
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Cathédrale de l'Immaculée Conception à Taiyuan |
⚔️ Les persécutions des chrétiens en Chine aujourd’hui
Plus d’un siècle après le martyre de Sainte Amandine et de ses compagnes, les persécutions contre les chrétiens en Chine n’ont pas cessé, bien qu’elles aient changé de forme. Le gouvernement chinois, par son contrôle implacable de la religion, cherche à soumettre les Églises au pouvoir politique. Les communautés catholiques fidèles à Rome (dites « clandestines » sont traquées, surveillées, parfois arrêtées. Des croix sont retirées des églises, des lieux de culte sont rasés, des prêtres sont emprisonnés ou “rééduqués”. Le Parti interdit toute évangélisation auprès des mineurs et pousse les Églises dites « patriotiques » à siniser la foi, en adaptant les prières à l’idéologie communiste.
Malgré cela, dans les caves, les maisons, les forêts ou les montagnes, le peuple chrétien résiste avec ferveur. Ils prient Sainte Amandine et les autres martyrs comme des compagnons de combat. Leur fidélité dans l’ombre rappelle que le sang des martyrs est toujours semence de chrétiens, même sous les cieux de l’Empire du Milieu.
🙏 Prière à Sainte Amandine, martyre de la charité
Sainte Amandine,
toi qui as tout quitté pour aimer le Christ jusque dans les terres lointaines,
toi qui as soigné les corps et embrasé les âmes dans la paix de l’Évangile,
toi qui as souri en montant vers le martyre,
obtiens-nous un cœur joyeux dans l’épreuve,
un amour fidèle au milieu du monde,
et le courage de témoigner de la Vérité,
même lorsque l’Église est persécutée.
Toi qui as été lumière dans les ténèbres,
intercède pour les chrétiens de Chine et pour tous ceux qui souffrent à cause de leur foi.
Par Jésus-Christ notre Seigneur,
Amen.